
La parole du père, celle de Jacob Freud ( Podcast n°60)
08/12/2025 | 8 min
Parmi tous les rêves que Freud nous a confiés dans L'interprétation des rêves, il y en a un qui me paraît mériter particulièrement notre attention, Il a d’ailleurs été souvent repris dans le fil de son ouvrage. C’est le rêve dit du comte de Thun. Il est en quelque sorte la source, l’assise même non seulement de ce travail de déchiffrage du rêve mais aussi de toute l'œuvre freudienne. On y trouve en effet rapporté, à cette occasion, une parole du père qui pour Freud a dû décider de toute sa destinée d’homme et d'inventeur de la psychanalyse. Je ne peux tirer de ce rêve que quelques fils qui pourront servir à ma démonstration. Freud se montre dans ce rêve d’humeur belliqueuse. La veille, à la gare, partant en vacances, il rencontre le Comte de Thun. Toute une série d’associations surgissent à propos de ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche. Il chantonne même un air des noces de Figaro : « s’il veut la danse, Monsieur le Comte, ce sera moi… », C’est ainsi que Freud se met à la place de Figaro qui espère se venger du Comte Almaviva qui convoite sa fiancée Suzanne. C’est un rêve de lutte des classes. Mais l’essentiel est quand même que dans le fil de ce rêve, Freud nous raconte un souvenir d’enfance où, alors âgé 7 ou huit ans, il avait uriné dans la chambre de ses parents et en leur présence. Son père, Jacob Freud, en ces circonstances, avait alors prononcé ces paroles fatidiques “ on ne fera rien de ce garçon”. Freud nous dit que ce rêve du Comte de Thun est un typique rêve d’ambition urétrale ainsi qu’un rêve de vengeance à l’égard du père : dans le texte du rêve, « il voit, de façon plastique, son père, infirme qui urine devant lui. Une inversion donc de cette scène d’enfance humiliante. Mais ce n’est que dans un autre chapitre qu’il consacre à l’absurdité dans les rêves et qu’il associe toujours d’ailleurs aux rêves de mort de personnes chères, qu’il nous en donnera son interprétation avec une série d’équivoques signifiantes qui malheureusement ne peuvent être qu’en grande partie, perdues en français. J'ai créé, il y a maintenant longtemps, dans les années 2000, un des premiers sites de psychanalyse. Je l'ai appelé " Le goût de la psychanalyse". ( https://www.le-gout-de-la-psychanalyse.fr/ ) Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Idées de suicide dans la névrose obsessionnelle et dans l'hystérie ( Podcast n°59)
08/11/2025 | 10 min
Je ne suis pas sûre que de nos jours, beaucoup d’analystes et d'analysants se plongent encore dans les textes de Freud et notamment dans celui de ces cinq psychanalyses. Je souhaiterais vous donner envie de les lire et de les relire comme étant de beaux exemples de ce qu’est la clinique analytique à sa source. Ainsi parmi ces cinq psychanalyses, dans celle de l'Homme aux rats, Freud décrit «quelques obsessions et leurs explications » (p 220) Donc en plus de la description et du déchiffrage de sa grande obsession des rats, obsession selon laquelle, son père et sa dame seraient condamnés au supplice des rats, supplice chinois au cours de lequel on introduisait de force un rat affamé dans l’anus du supplicié, Il en décrit deux autres à titre d’exemple, sous le terme de « compulsion au suicide ». Dans les deux exemples que Freud nous donne il s'agit toujours d'une implication logique qui a cette structure : « Si .... Alors…. “ Freud écrit « si différente que puisse paraître cette compulsion de la précédente, l'ordre direct de se suicider,elles ont un trait important commun : leur genèse en tant que réaction à une rage extrêmement soustraite au conscient, rage dirigée contre la personne qui trouble l'amour.”Comment ces idées de suicide prennent-elles forme dans la névrose hystérique ? Freud nous l’indique, pour avoir éprouvé de tels désirs de mort, il se produit une identification à ce mort. Et cette fois-ci on peut se référer à la première des cinq psychanalyses, celle de Dora. Est-ce que la même forme de l'implication logique appliquée aux obsessions peut rendre compte de ce mode hystérique selon lequel se manifeste le désir de suicide ? En bref, j'aimerais bien trouver la petite formule qui correspondrait à l'hystérie.Parmi les lettres que Freud envoyait à Fliess, on trouve quelques élaborations théoriques qui figuraient sous le titre de manuscrits. Dans l’un d’entre eux le manuscrit le bien nommé manuscrit N, il nous donne un autre exemple du mode de rapport au suicide, par identification hystérique au désir de l’Autre, c’est celui de Goethe tel qu’il le retranscrit dans son roman, “Les souffrances du jeune Werther”. Dans ce roman aussi bien que dans sa biographie “Poésie et Vérité”, Goethe s’était en effet identifié à l’un de ses proches, prénommé Jérusalem, et qui avait attenté à ces jours, après avoir été fermement éconduit par le mari de la femme qu’il aimait. Gide s’était plaint que, dans ce roman de Goethe, Werther n’en finissait pas de mourir et il est vrai qu’il ne nous épargne rien de ses intolérables souffrances, mais si ce roman a eu malgré tout tellement de succès auprès de ses contemporains, c’est peut-être lié au fait que Goethe y exprimait dans son oeuvre son désir de tuer l’autre au travers de lui-même. J'ai créé, il y a maintenant longtemps, dans les années 2000, un des premiers sites de psychanalyse. Je l'ai appelé " Le goût de la psychanalyse". ( https://www.le-gout-de-la-psychanalyse.fr/ ) Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

La père-version ou version vers le père (Podcast n° 58)
22/9/2025 | 12 min
Comment le père intervient-il pour que la primitive relation à la mère qui est source de toutes les félicités et modèle de toutes les satisfactions futures dans l’amour qui nait entre un homme et une femme, ne se transforme pas en cauchemar, un cauchemar dont on n’arrive pas à se réveiller, C’est là que de tout temps, intervient ce que Lacan appelle la père-version ou version vers le père. Je vous propose tout d’abord une approche poétique de cette père-version ou version vers le père, en évoquant une des légendes de l’Odyssée. Vous savez qu’Homère y raconte les aventures d’Ulysse et de ses compagnons. Parmi celles-ci, il décrit leur rencontre avec la redoutable magicienne Circé lorsque leur navire accosta sur son île. Leur ayant offert diverses nourritures et des breuvages, elle en profita pour tous les empoisonner puis les frappant avec une baguette, elle les métamorphosa en porcs et les enferma dans une porcherie. Ulysse, apprenant par l’un de ses compagnons, le seul qui avait échappé à cette métamorphose, le sort infortuné de ces hommes, s’apprête bien sûr à aller les sauver. Il est aidé dans cette entreprise par Hermès qui lui indique en effet comment s’y prendre avec Circé. Il ne doit accepter aucune boisson ou nourriture et surtout lorsqu’elle le touchera de sa baguette pour le transformer lui aussi en cochon, il doit se précipiter sur elle avec son épée, comme pour la tuer. Circé, devant ces manifestations de virilité, lui propose de la rejoindre dans son lit. Il accepte mais pas avant qu’elle ait redonné à ses compagnons forme humaine et surtout après lui avoir fait promettre de ne pas porter atteinte à sa virilité. Il oublie ainsi pendant toute une année, dans les bras de Circé, la fidèle Pénélope qui l’attend toujours au pays. Cette légende de Circé m’a paru être à la fois, une jolie métaphore de ce que Freud appelle la perversion infantile polymorphe mais elle est aussi une épopée de la conquête d’une virilité assumée avec un homme, le père, qui est là pour servir de modèle et même d’initiateur. Comme nous l’indique Lacan, il est là pour servir de modèle à la fonction, la fonction de symptôme. Dans cette légende, c’est Hermès qui joue ce rôle.Au terme de ce propos, je soulignerai simplement que ce terme de perversion est bien loin d’être univoque et que ce concept prend appui sur cette forme spéciale de négation qu’est la Verleugnung ou Démenti et qui porte sur l’absence de phallus de la mère. Cette Verleugnung, il convient de la suivre à la trace dans le texte freudien, parce que ces mécanismes ne sont pas du tout identiques dans la névrose et la perversion. Cela permet d’éclairer sous un jour différent ce qui peut se dire de cette “nouvelle économie psychique” qui se présenterait sous la forme de perversion ordinaire ou de perversion généralisée dans le champ social.. J'essaierai de développer ce propos dans un de mes prochains podcasts. Mais c’est aussi à chacun d’aller s’en faire une idée. J'ai créé, il y a maintenant longtemps, dans les années 2000, un des premiers sites de psychanalyse. Je l'ai appelé " Le goût de la psychanalyse". ( https://www.le-gout-de-la-psychanalyse.fr/ ) Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

La forme érotomaniaque de l'amour au féminin ( Podcast n°57)
29/8/2025 | 9 min
Dans l’un de ses textes, “Propos introductifs pour un congrès sur la sexualité féminine”, Lacan oppose, selon le sexe, la forme fétichiste de l’amour à sa forme érotomaniaque. Cette opposition étant posée, la forme fétichiste, celle des hommes a été souvent décrite, mais celle des femmes, cette forme érotomaniaque de l’amour, l’est beaucoup moins et peut pourtant ouvrir des pistes intéressantes dans l’approche de la sexualité féminine. C’est un grand psychiatre, Gaétan de Clérambauld, qui, dans les années 1920, a été le chantre de toutes ces femmes érotomanes. Il détermina les caractéristiques de leur délire. Cette érotomanie se manifeste par la conviction délirante d’être aimée par un homme, la plupart du temps, célèbre. C’est dans ce fil, que je vais donc aujourd’hui vous parler d’une femme érotomane, mais qui ne se comptait pas parmi les amoureuses de prêtres et de médecins ou d’écrivains célèbres mais qui avait en effet choisi d’être aimée par un professeur au Collège de France. C’est ainsi qu’un beau jour de l’année 1964, Alfred Sauvy qui était à l'époque un sociologue de renom, reçut cette missive : “ Cher Monsieur, veuillez surveiller les armes qui vous appartiennent !”Ainsi commença une très longue histoire d’amour, un amour par correspondance. En tout, elle lui écrivit 3000 lettres. Alfred Sauvy les colligea toutes et surtout les garda dans un grenier de campagne, précieusement enfermées dans trois coffrets noirs. transmises de mains en mains, j’ai eu la chance de les recevoir en héritage. Elles constituent une très émouvant témoignage de ce que peut être l’amour d’une femme pour un homme, mais un amour fou. Ainsi dans l’une de ses lettres, elle écrivait ceci :“Cher Monsieur, rien de neuf, vous me paraissez bien loin, ma lettre devrait nous rapprocher mais je crains qu’elle ne soit lue. la sorcière semble un peu calmée pour l’instant. J’ai arrêté mes travaux de désensorcellement mais je vais les reprendre demain. Quelques lignes plus loin, elle écrit “ La sorcière s’étonne un peu que vous n’ayez pas sombré comme les autres, que vous ne soyez pas passé au service du Diable. Il paraît d’après elle que c’est une évolution normale. Pour moi, je sais bien que vous êtes un don de Dieu. Il fait bien les choses. Merci, toujours merci pour votre solidité et votre grande indulgence. mon seul bonheur est de penser à vous.” Est-ce qu’il ne vous paraît pas ainsi que tout son délire d’amour n’est là que pour tenter de remédier à ce que Lacan a appelé la forclusion du nom du père, dans la psychose. C’est en somme un appel désespéré à la métaphore paternelle. Alfred Sauvy est là pour la sauver des persécutions de la sorcière, ainsi d’ailleurs que de celles de Belzébuth, que, dans les dernières années de sa vie, elle finit par appeler de ce petit nom presque affectueux, Beau-Zébré. J'ai créé, il y a maintenant longtemps, dans les années 2000, un des premiers sites de psychanalyse. Je l'ai appelé " Le goût de la psychanalyse". ( https://www.le-gout-de-la-psychanalyse.fr/ ) Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

De la haine à l'amour, la fonction du leader dans un groupe humain ( Podcast n° 56)
16/7/2025 | 9 min
Tous les événements mondiaux actuels qui nous inquiètent beaucoup m’ont incité à relire le livre de Freud, Malaise dans la civilisation. Il y évoque la question de l’agressivité humaine avec cette formule qu’il emprunte au philosophe Hobbes “ L’homme est un loup pour l’homme”. " L’homme est en effet tenté de satisfaire son besoin d’agressivité au dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer”. Quelle solution Freud nous propose–t-il ? Il déclare fermement qu’une communauté d’individus ne tient ensemble par des relations d’amour que si elle peut trouver à l’extérieur de cette communauté, des ennemis à détester et donc à l'égard desquels elle peut exercer son agressivité et ses manifestations d'intolérance, en somme réussir à les dériver vers eux. Pour Lacan c’est par la parole, par un pacte symbolique conclu entre les rivaux que la jalousie, la concurrence agressive, imaginaire entre le moi et ses petits autres peuvent être assumées, symbolisées et donc finalement abandonnées, par un processus d’identification à l’objet rival. Je me suis demandée s’il n’y avait pas quelque chose d’équivalent dans le texte freudien qui pouvait approcher de la fonction pacifiante de la métaphore paternelle promue par Lacan, cette fonction du père qui seule peut mettre un terme à ces luttes sans merci entre les rivaux. Je crois que ce qui se rapproche le plus de ce mécanisme décrit par Lacan c’est ce que décrit Freud à propos des hommes qui prennent la responsabilité de maintenir la cohésion d’un groupe en tant que leaders, ceux qu'on appelle des meneurs d'hommes. Il évoque dans les dernières pages de son malaise dans la civilisation le fait que “ la misère psychologique de la masse” est aggravée quand certaines personnalités à tempérament de chef ne parviennent pas à jouer ce rôle important qui doit leur revenir dans la formation d’une masse. Ce rôle est celui de l’Idéal du moi. C’est vers lui que converge en effet l’amour que doivent éprouver chacun des individus qui composent ce groupe. A ce point de sa démonstration Freud nous renvoie par une note à un autre de ses textes celui de Psychologie des foules et analyse du moi, où en effet on en apprend un peu plus sur cette fonction de leader, de chef qui est là pour assurer la cohésion du groupe. Freud indique que celui-ci s’autorise à réoccuper la place du père de la horde primitive, père qui ayant été tué, est , par la suite et de ce fait, au fondement de la loi. A ce titre celui qui reprend cette place est donc un héros, car il ne peut venir l’occuper qu’au prix de nombreuses épreuves dont il finit par triompher. De cette fonction, nous pouvons peut-être évoquer à titre d’exemple le destin si étrange de Volodirr Zelinski. C’est à lui que je dédie ce podcast, parce que je trouve qu’il est un magnifique exemple de cette si belle fonction du chef et surtout du héros, un héros humain et donc très fragile. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il soit un jour assassiné par les soins de Poutine. De l’amour ou de la haine, nul ne peut en effet prévoir qui l’emportera. J'ai créé, il y a maintenant longtemps, dans les années 2000, un des premiers sites de psychanalyse. Je l'ai appelé " Le goût de la psychanalyse". ( https://www.le-gout-de-la-psychanalyse.fr/ ) Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.



Une psychanalyse à fleur d'inconscient