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Poésie en musique

Abdelghani Boudik
Poésie en musique
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5 sur 22
  • Pablo Neruda, À mon cœur suffit ta poitrine
    Le vieux professeur entre, sa canne résonne contre les marches de l’amphithéâtre. Les néons bourdonnent. L’odeur de craie et de poussière flotte. Quelques étudiants tapotent sur leurs téléphones, d’autres notent mécaniquement. Il pose ses feuilles sur le pupitre, ajuste ses lunettes. Sa voix s’élève, grave, ferme : « Écoutez. Ce poème de Neruda, le douzième du recueil Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée, n’est pas un simple élan romantique. C’est une cartographie de l’amour. Brutale, lucide, contradictoire. » Il écrit à la craie : « À mon cœur suffit ta poitrine, Mes ailes pour ta liberté. » « Voyez, dit-il, cette équation fondamentale. La poitrine comme refuge, le cœur qui s’y blottit… et en retour, non pas l’emprisonnement, mais les ailes, la liberté donnée. Voilà la tension même de l’amour. Le lien n’existe qu’en laissant l’autre s’échapper. » Sa main tremble légèrement. La craie casse. Il reprend, la gorge plus sèche : « L’aimée est ici décrite comme rosée, comme vague. Présente, puis absente. Belle, mais insaisissable. Une vague que l’on sent passer… mais qu’on ne retient jamais. » Il s’interrompt. Son regard se perd. Les étudiants attendent. Un silence s’installe. Il tente de reprendre : « Oui… insaisissable… comme elle. » Sa voix a changé. Elle est rauque, plus basse. Il serre la rambarde. Sa respiration se fait audible. « Il y a longtemps… une autre salle. Une autre lumière. Et elle, assise au troisième rang. Pas ses notes qu’elle écrivait, non… ses yeux, fixés sur moi. Elle me déshabillait en silence. Et j’ai compris que j’avais cessé d’être le maître. » Des murmures dans l’amphi. Il continue, plus vite, comme si les digues cédaient : « Sa jupe courte, volontaire, ses cuisses croisées. Elle savait ce qu’elle faisait. Quand elle décroisait, quand elle souriait. J’ai cru résister. Mais chaque mot de mon cours devenait tremblement. Chaque vers de Neruda, une confession que je n’osais pas faire. » Il ferme les yeux, la sueur perle à son front. Sa voix se brise, mais il poursuit, sans détour : « Ce soir-là… elle est venue après le cours. Ses pas claquaient dans le couloir vide. Elle ne m’a pas laissé parler. Ses mains sur ma veste, sa bouche brûlante sur la mienne. Sa langue, son parfum, sa chaleur… J’ai senti ses seins contre ma poitrine, refuge et abîme à la fois. Je tremblais. Moi, vieux professeur, tremblant comme un élève. » Il pose sa main contre le bois de la chaire, comme pour se retenir de tomber. « Ses jambes autour de ma taille… son souffle dans mon oreille… chaque soupir un oiseau qui battait dans mon sang. Et quand elle a gémi, quand elle a serré, je savais… je savais que j’étais perdu. Qu’elle était la vague. Qu’elle viendrait, repartirait, et que je l’attendrais toujours. » Un silence glacé s’abat. Les étudiants sont figés. Certains ont les yeux écarquillés, d’autres détournent le regard. Lui, les mains tremblantes, la voix presque éteinte : « Voilà ce que dit Neruda. L’amour n’est pas possession. C’est un incendie qui vous consume et vous laisse nu. Et je vous le dis… je brûle encore. » ⸻ L’amphithéâtre reste figé. Les téléphones ont tout enregistré. Quelques jours plus tard, la lettre arrive : suspension, commission disciplinaire, carrière terminée. Dans une salle nue, trois silhouettes derrière une table. — « Vos propos sont indignes d’un enseignant. » — « Vous avez sali votre fonction. » Lui, assis, leur sourit. Longuement. Presque amusé. Ses yeux disent : “Vous ne comprenez rien.” Mais sa bouche reste close. Pas une excuse. Pas une défense. La retraite était proche. Ils croyaient le briser. Mais il savait. Il lui restait ce feu. Cet incendie qu’aucun papier timbré ne pourrait jamais éteindre. Il quitte l’université, la canne résonnant sur les dalles. Déchu, mais plus vivant que tous ceux qui l’ont condamné. Si ça t’a remué un peu, fais circuler : abonne-toi, partage, laisse une trace griffonnée. C’est comme ça que la poésie évite de s’éteindre… enfin j’imagine. On se recroisera peut-être ailleurs : Actu-Rime — une chanson qui gratte, un décryptage qui cogne : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/actu-rimes-comprendre-le-monde-en-musique/id1769964253 SnapCult — des recos sèches, moins de cinq minutes, ça claque et ça passe : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/snapcult/id1806802943 Voilà. Bref. Find out more at https://poesie-en-musique.pinecast.co
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    3:49
  • Paul Éluard : la courbe de tes yeux
    Ipad posée sur mes genoux, je tape ce vers : « la courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur ». La lumière vacille, reflet bleu sur mes ongles, et ce cercle amoureux ressemble à une projection de cinéma rayée. Je pense aux films de Buñuel, aux paupières tranchées de Un chien andalou, où l’œil devient à la fois ouverture et blessure. Le poème d’Éluard dialogue alors avec une image brutale, comme si l’amour devait toujours frôler la coupure. Les métaphores gonflent, mais je les tords. Pas de « bateaux » : plutôt des ascenseurs qui toussent, des ventilateurs qui brassent la chaleur d’une salle de répétition, des néons qui grésillent comme des insectes. Les « feuilles de jour » se changent en fenêtres de navigateurs ouvertes trop vite, saturées d’icônes, prêtes à s’éteindre. Je sens la chaleur moite sous mon bras, odeur plastique de la batterie qui chauffe, et cette matérialité numérique contamine la douceur du poème. Les regards deviennent projecteurs de galerie, diffusant un halo qui tremble au moindre souffle. Puis le vers se fissure : « si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu, c’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu ». J’appuie trop fort, l’écran répond mal, mes doigts laissent une sueur acide. Je revois un instant la salle d’hôpital, murs blancs, parfum de désinfectant, quand un visage s’est tourné ailleurs. Là, le monde s’est réduit comme une fenêtre minimisée, et j’ai senti un vide physique dans la poitrine, comme une panne électrique interne. L’aveu est là, trop lourd : ma mémoire dépend de ton regard. « Tout mon sang coule dans leurs regards. » Cette phrase vibre, devient organique. Je sens un battement sec dans mes tempes, une crampe qui serre les doigts. Dehors, la sirène d’un scooter résonne avec cette tension, et j’entends dans l’air un martèlement sourd, comme une rythmique techno mal réglée. L’univers entier, fragile, dépend d’un clignement — et si tes yeux se ferment, tout s’éteint, l’écran, le corps, la ville. Si ça t’a remué un peu, fais circuler : abonne-toi, partage, laisse une trace griffonnée. C’est comme ça que la poésie évite de s’éteindre… enfin j’imagine. On se recroisera peut-être ailleurs : Actu-Rime — une chanson qui gratte, un décryptage qui cogne : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/actu-rimes-comprendre-le-monde-en-musique/id1769964253 SnapCult — des recos sèches, moins de cinq minutes, ça claque et ça passe : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/snapcult/id1806802943 Voilà. Bref.
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    3:01
  • François Villon : la balade des pendus
    Impact frontal : « Frères humains », et déjà ça craque comme une poutre qui cède. L’ouverture de Villon est un jet de pierre dans la poitrine. Pas d’échauffement, juste la vision : cordes, os, foule qui passe en retenant son souffle. Ça claque et ça salit. Puis l’orgie des détails : pluie qui boit, soleil qui grille la chair, oiseaux qui percent les orbites. Mais cette fois les voix se mêlent : une supplie, une autre ricane, une troisième transforme le refrain en disque rayé, sample médiéval qui résonne comme une publicité cassée. Le texte se tord en polyphonie, et chaque retour du refrain cogne comme un marteau sur métal. C’est prière et sarcasme à la fois. Pont parasite : graffiti sur un mur humide, affiches déchirées, slogan de prière collé à un beat de rap invisible. Je sens sous mes côtes ce froid sec — l’impression que les oiseaux picorent déjà mes organes. La feuille elle-même devient molle, peau humide entre mes doigts. Et la voix ironique me souffle encore : « Rien à absoudre ». Chute nette : honte de respirer encore. Si ça t’a remué un peu, fais circuler : abonne-toi, partage, laisse une trace griffonnée. C’est comme ça que la poésie évite de s’éteindre… enfin j’imagine. On se recroisera peut-être ailleurs : Actu-Rime — une chanson qui gratte, un décryptage qui cogne : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/actu-rimes-comprendre-le-monde-en-musique/id1769964253 SnapCult — des recos sèches, moins de cinq minutes, ça claque et ça passe : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/snapcult/id1806802943 Voilà. Bref.
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    3:25
  • Maya Angelou : je sais pourquoi l’oiseau en cage chante
    Entre le -3 et le 12, l’air sent l’ozone et la poussière d’extincteur. L’écran clignote : ERROR 504 / GORGE NOT FOUND. Mes côtes cognent contre la cage. J’ouvre la bouche : une rafale de bips, volée d’oiseaux morts heurtant les antennes relais. La voix de sécurité répète : « Envol… envol… », mais ses mots se décomposent, scripts désossés, plumes calcinées. Alors je code mon cri : if wings == cut: sing(fear, hope) else: float(wind, orange_sun) Mais le chant sort en fichier corrompu, pièces jointes illisibles, envoyées à personne. Et soudain le plafond s’ouvre. Pas un ciel — une page blanche, infinie, où chaque lettre s’imprime en noir, obstinée, inaltérable : LIBERTÉ LIBERTÉ LIBERTÉ. Si ça t’a remué un peu, fais circuler : abonne-toi, partage, laisse une trace griffonnée. C’est comme ça que la poésie évite de s’éteindre… enfin j’imagine. On se recroisera peut-être ailleurs : Actu-Rime — une chanson qui gratte, un décryptage qui cogne : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/actu-rimes-comprendre-le-monde-en-musique/id1769964253 SnapCult — des recos sèches, moins de cinq minutes, ça claque et ça passe : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/snapcult/id1806802943 Voilà. Bref. Find out more at https://poesie-en-musique.pinecast.co
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    3:09
  • Jean de La Fontaine : songe d’un habitant du Moghol
    Le ticket est tombé entre les sièges, je n’arrive pas à le repêcher. Le Mogol de La Fontaine reste coincé dans ma tête comme une écharde : vizir sauvé, ermite damné, justice de travers. Je crois relire, mais une lettre m’échappe — « Solitdue » au lieu de solitude. J’ai honte de ne pas corriger, je laisse la faute, elle dit mieux que moi ce que je vis. Sous le néon du wagon, les clartés errantes ressemblent à des insectes qui s’écrasent contre la vitre. Sénèque parlait de retraite comme d’un remède, Montaigne bricolait des phrases pour s’épargner la cour. Ici, c’est la SNCF qui me dicte l’attente. Les Muses, elles, ne viendront pas. Je note quand même : je mens, encore, quand je dis que je veux le silence. Ce que je veux, c’est qu’on trouve ce ticket raturé, qu’on lise ma peur sale. Ce n’est pas une prière, c’est un appel, un bruit de freins mal réglés. Mensonge nécessaire. Ou pire : mensonge mal orthographié. Si ça t’a remué un peu, fais circuler : abonne-toi, partage, laisse une trace griffonnée. C’est comme ça que la poésie évite de s’éteindre… enfin j’imagine. Tu peux aussi m’écrire : [email protected] On se recroisera peut-être ailleurs : Actu-Rime — une chanson qui gratte, un décryptage qui cogne : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/actu-rimes-comprendre-le-monde-en-musique/id1769964253 SnapCult — des recos sèches, moins de cinq minutes, ça claque et ça passe : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/snapcult/id1806802943 Voilà. Bref.
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    3:19

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À propos de Poésie en musique

Je suis Abdel. Non-voyant, j’écris assis par terre, les écouteurs vissés aux oreilles, guidé par la voix de moins en moins mécanique de mon lecteur d’écran. Je ne supporte pas que les poèmes restent immobiles : je les attrape, je les secoue, je souffle dedans. Parfois ça grésille, parfois ça casse, mais toujours ça respire. On croit qu’un poème ne peut pas être Groovy? Moi je montre l’inverse. J’ai entendu Hugo sonner comme du folk américain et Du Bellay résonner en métal symphonique. Alors je sais que la poésie n’est pas un musée : je veux l’arracher au calme mortel des anthologies et la balancer contre les murs d’aujourd’hui. Écoutez, si ça vous dit. 📧 Un poème à risquer ? → [email protected] ⚠️ Sur Spotify, la musique est coupée. Retrouvez-moi ailleurs (Apple Podcasts, overcast, deezer etc.) pour swinguer sur Victor Hugo.
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