Face à la dystopie actuelle :"Il nous faut des fictions qui nous aident à réimaginer nos avenirs"
Nous sommes entrés en dystopie. La réalité dépasse aujourd’hui la fiction. Que ce soit au niveau climatique ou politique, il y a cette étrange sensation de vivre dans une œuvre d’anticipation. Face à ce vertige, une question se pose : N’a-t-on pas plus que jamais besoin d’histoires, de romans pour nous préparer au monde à venir, nous apprendre à vivre autrement et questionner nos évidences ?
Pour en parler, je reçois aujourd’hui, Jean Hegland, une autrice américaine qui excelle dans cet art. Célèbre à l’international, son roman Dans la Forêt a été traduit dans plus de 15 langues. Best seller aux Etats Unis. Il a été vendu à près de 500 000 exemplaires depuis sa sortie en France en 2017.
Publié originellement en 1996, ce livre raconte l’histoire de deux sœurs adolescentes, Nell et Eva, obligées de survivre seules alors que la civilisation autour d’elle s’est effondrée. Qu’il n’y a plus de réseau, d’internet, d’électricité ou encore de supermarchés… Dans leur maison, au cœur de la forêt, elles vont devoir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance aux arbres et aux plantes qui les entourent. Nell écrit “Quand je pense à la façon dont nous vivions, à la désinvolture avec laquelle nous usions les choses, je suis à la fois atterrée et pleine de nostalgie”. Dans ce roman, l’apocalypse invite à imaginer ce à quoi pourrait ressembler un monde libéré de la société de consommation. Un monde qui invite à l’autonomie, à apprendre ce que peu d’individus modernes savent faire, survivre seulement grâce au vivant qui nous entoure.
La suite de ce roman, devenu culte, a été publiée en première mondiale en France en janvier 2025. Dans le Temps d'après, quinze ans après l'effondrement, le jeune Burl vit avec ses deux mères dans la forêt en prise avec les aléas climatiques, les feux, la sécheresse, le manque d’eau. Il n’a rien connu d’autre que cette forêt et a soif d’apprendre, de rencontrer d’autres humains aussi. Pour Jean Hegland, il en va de sa « responsabilité » de mettre les enjeux écologiques au cœur de ses histoires. Et d’écrire des récits pour nous permettre d’imaginer un avenir plus prometteur que l’apocalypse.
Alors comment la fiction peut nous préparer à ce qui pourrait nous attendre si le capitalisme continue sa course folle ? Un effondrement de nos sociétés est-il possible ? Quel pouvoir peuvent encore avoir les histoires dans cette période sombre ? Et comment ne pas perdre espoir avec l’arrivée de Trump au pouvoir ? C’est à toutes ces questions et bien d’autres que Jean Hegland répond dans ce nouvel entretien Art et écologie avec Paloma Moritz pour Blast.