Powered by RND
PodcastsReportage international

Reportage international

Reportage international
Dernier épisode

Épisodes disponibles

5 sur 24
  • «Je suis sur le point de pleurer»: au Vatican, l'émotion des fidèles après l'élection du pape Léon XIV
    Un nouveau pape a été élu ce jeudi 8 mai à Rome: Robert Francis Prevost est désormais Léon XIV, une cérémonie suivie partout sur la planète, mais aussi évidemment place Saint-Pierre, au Vatican. Juste après 18h, une fumée commence à s’échapper de la cheminée. Elle est blanche et les cloches de la basilique Saint-Pierre commencent à sonner. La foule envahit le Vatican. On note l’émotion dans la voix de Claudia : « C’est incroyable, je me sens hyper heureuse, je suis sur le point de pleurer. Je ne sais pas encore qui est le pape, mais je suis très ému ».Fidèles, pèlerins, curieux... Tous espèrent se rapprocher du balcon. Alessandro Romain a réussi à se frayer un chemin : « C’est un moment très positif. On espère que ce sera une bonne personne qui fera du bien au peuple ».Les gardes suisses et la gendarmerie vaticane prennent position sur la place au son de la fanfare. Ségolène, elle, a les yeux rougis d’émotion : « Je pense à l’après-midi qu’il a dû vivre en voyant son nom qui sortait, ce qui a dû ressentir dans son cœur, j’accepte, je n'accepte pas, ma vie va être bouleversée et se dire, la stature qu’il est en train de prendre, d’un diocèse à la terre entière. »Et puis le Cardinal Mamberti, Proto Diacre s’avance en premier, sous le regard des cardinaux. « Habemus Papam ! »À lire aussiL'Américain Robert Francis Prevost devient pape sous le nom de Léon XIVQuelques minutes plus tard, Robert Prevost Léon XIV apparait au balcon dans l’euphorie générale : « Que la paix soit avec vous, la paix, les ponts entre les peuples… ». Des mots qui sont revenus dans le discours du souverain pontife, ponctué par des applaudissements.Une fidèle déclare : « Aujourd’hui, ça fait 80 ans que la Seconde Guerre mondiale est terminée et ça me touche qu’il ait parlé beaucoup de la paix. Je pense qu’on a réussi à sortir de ce conflit et qu’on a encore pleins de guerres. On prie pour la paix. L’émotion m’a envahie quand on a vu son visage. C’est plus un nom, c’est une personne avec son histoire, sa pensée, son cœur, ses souffrances. »Une histoire américaine, mais pas seulement. Ce missionnaire a longtemps habité au Pérou. Luiz de Lima s’était enveloppé dans un drapeau péruvien pour célébrer la nouvelle : « Je suis très content ! Parce qu’il a des racines péruviennes et tout le peuple péruvien est fier et content du nouveau pape. » Au téléphone, la famille restée au Pérou affiche aussi un grand sourire.Mais pas autant que ces touristes franco-vietnamiens arrivés sur le tard place Saint-Pierre : « Sur le chemin du retour à Rome, on a vu la fumée blanche.C’était la joie ! On a chanté dans le bus. » Anne a été touchée par les mots et le parcours de Léon XIV : « Nous sommes des réfugiés. Nous sommes aussi étrangers en Europe, ça, ça nous touche au fond du cœur. »
    --------  
  • Pologne: le long de la frontière russe, le «bouclier oriental» commence à prendre forme
    Cet investissement de 10 milliards de zlotys (2,3 milliards d’euros) le long de la frontière avec la Russie et la Biélorussie doit servir à consolider la frontière est de l'Europe pour la rendre imperméable à toute tentative d'invasion venue de Moscou ou de Minsk. Près d'un an après son annonce par le gouvernement polonais, les premiers tronçons de travaux ont déjà été réalisés à la lisière de l'enclave de Kaliningrad, avec l'ambition de faire de cette frontière la plus sécurisée d'Europe. De notre correspondant de retour de Braniewo, Pour se rendre dans ce lieu hautement stratégique, l’armée nous a donné rendez-vous près de la frontière et nous fait monter dans un véhicule militaire. Encore quelques mètres sur un sentier boueux et voilà qu’apparaissent les impressionnantes installations qui bordent la clôture frontalière. Cette portion du « bouclier oriental » a été entièrement réalisée par la brigade d’ingénieurs militaires d’Iwona Misiarz. Elle repose principalement sur un alignement de dents de dragons, des blocs de pierre triangulaires qui doivent faire office de rempart face aux chars russes. « Sur la droite, on a creusé un fossé antichar, et sur la gauche, il y a la première rangée de dents de dragon, décrit-elle. Puis, vous avez une surface qui peut éventuellement devenir un champ de mines antichar, et enfin une nouvelle rangée de dents de dragon. »Un parcours d’obstacles qui ne prétend pas bloquer complètement la route aux Russes en cas d’invasion, mais qui vise à les ralentir. « Les barrages d’ingénierie ont pour but de forcer l’ennemi à abandonner le maximum de son équipement militaire ici, explique Iwona Misiarz. Histoire de lui montrer que s’il veut nous mordre, il y laissera des dents. Et c’est aussi pour la sécurité des habitants, car plus on a de temps pour procéder à des évacuations, mieux c’est. » À lire aussiPologne : devant la menace russe, les formations militaires en faveur des civils se multiplient Une initiative qui ne fait pas l'unanimitéDepuis son exploitation agricole, Sergiusz, le chef de la localité voisine, se réjouit de voir l’armée prendre les devants pour anticiper une éventuelle invasion russe. « On a vraiment besoin de ce bouclier, affirme-t-il. Et on est pour sa construction, c’est une très bonne chose. Il faut se protéger de ces bandits de Russes. » À peine a-t-il fini sa phrase qu’un véhicule des garde-frontières se gare devant sa ferme pour contrôler notre identité. Ils disent avoir repéré notre véhicule, inconnu sur leurs registres. « Ce sont des gens bien ! », réagit Sergiusz. « Ils sont aux aguets, ils surveillent pour qu’on soit en sécurité et pour s’assurer que personne ne traverse la frontière. » Mais quelques mètres plus loin, au milieu de ses ruches, Stefan est plus dubitatif quant à la nécessité de tout ce dispositif : « Aujourd'hui, ça va un peu mieux, même si on est toujours sur nos gardes. Je pense qu’on s’y est habitué et que le temps a passé, le pire est derrière nous. » Pour lui, la peur d’une agression russe s’est apaisée avec le temps.Dans le village voisin, Marta ose même parler d’une simple opération de communication de l’armée. Pour elle, l’hypothèse d’une invasion russe par Kaliningrad relève du fantasme. « Ça leur ferait plus de mal qu’autre chose d’envoyer des missiles dans notre région, soutient-elle. Peut-être sur Varsovie à la limite, mais je n’y crois pas vraiment... Parce qu’ici, il n’y a rien ! Ils vont lancer des missiles sur nos petites maisons et dans nos champs ? Des missiles à plusieurs millions ? Quel intérêt pour eux ? »Le bouclier oriental doit être terminé d'ici à trois ans, en 2028, mais le ministère de la Défense reconnaît déjà que les travaux colossaux se poursuivront probablement au-delà de ce délai. À lire aussiL'engagement militaire des jeunes polonais
    --------  
  • Drame migratoire en Méditerranée: «Ils voyaient un bateau au loin et sautaient dans la mer»
    Le 13 mars 2024, l’Ocean Viking met le cap sur un bateau en bois qui lui a été signalé. Les sauveteurs tombent par hasard sur un autre bateau, un canot pneumatique qui transporte 23 migrants. Cela fait sept jours qu’ils sont à la dérive, environ 65 personnes sont déjà mortes. Un rapport d’Alarm Phone met en cause les garde-côtes italiens et Frontex : selon leurs informations, ce bateau a été sciemment laissé à la dérive. Les survivants racontent ce qu'il s’est joué à bord.  De notre correspondante à Ancône,C'est la deuxième nuit que la situation commence à se dégrader. Les vagues sont énormes, le moteur ne fonctionne plus. Depuis plusieurs heures, le bateau pneumatique dérive au large des côtes libyennes et se remplit d'eau qu'il faut écoper sans cesse. Seules les lumières d'une plateforme pétrolière éclairent la nuit noire. Certains passagers ont des hallucinations, se souvient Ali, qui a 17 ans lors du voyage : « Un homme disait : ''Je vais marcher, me mettre debout et monter dans la voiture." Il délirait, mais à ce moment-là, personne n'était mort. » Cette traversée, c'est le premier face à face d'Ali avec la mort. Dès le deuxième jour, il n'y a plus rien à manger et de l'eau de mer comme seule boisson. À partir du quatrième jour, les morts s'accélèrent : « Certains sautaient dans l'eau, mais c'étaient eux qui voulaient le faire, raconte le jeune homme. Personne ne les a poussés. Parfois, ils voyaient un bateau au loin et sautaient par-dessus bord pour le rejoindre. » De l'autre côté du bateau, Modou, 21 ans, reste uniquement concentré sur son objectif : atteindre l'Europe. Comme Ali, il essaie de ne pas dormir ou le moins possible et de ne penser qu'à rester en vie. C'est la deuxième fois qu'il tente de monter à bord d'un bateau après que le premier a coulé à quelques mètres de la plage du départ en Libye. « J'ai subi beaucoup de tortures, beaucoup de problèmes... Il fallait que je parte, confie Modou. J'ai un vécu très difficile. Je vivais en Casamance, au Sénégal, dans la zone la plus difficile. À cinq ans, je me suis séparé de ma mère. J'ai toujours travaillé seul. C'est cette force qui m'a donné cette énergie. » À lire aussiRoyaume-Uni: lancement d'une commission d'enquête sur le pire naufrage de migrants survenu dans la MancheAu total, 23 personnes ont survécu, des Gambiens, Maliens et Sénégalais. Ils vivent aujourd'hui en Italie où ils attendent leurs papiers, et l'un d'entre eux vit en Espagne. Tous ont refusé de reparler de ce voyage et ont demandé à Modou de parler pour eux. « La partie la plus importante pour lui, affirme-t-il au nom de son camarade, c'est de raconter vraiment la situation de tous ceux qui ont perdu la vie en mer qui et qui ne sont pas arrivés jusqu'ici. Ce sont des personnes qui étaient chargées d'une mission, d'un objectif, pour apporter de l'espérance à leur famille. » En 2024, au moins 2 475 personnes migrantes sont mortes en Méditerranée et plus de 500 depuis le début de l'année. À lire aussiTunisie: dans le camp du «kilomètre 23» démantelé, les migrants ne savent pas où aller
    --------  
  • États-Unis: «Drill baby drill», une politique qui ne séduit pas tous les Texans
    Donald Trump a fait campagne sur la promesse de relancer la production d’hydrocarbures aux États-Unis, reprenant à son compte le fameux slogan « Drill baby drill », (« Fore, bébé fore »), et tant pis pour l’environnement. Fin mars, son administration a de nouveau autorisé l’exploitation pétrolière et gazière des réserves naturelles de l’Arctique en Alaska. Mais même au très conservateur Texas, source de plus de 40% de la production pétrolière des États-Unis, cette politique du tout pétrole est loin de faire l’unanimité.  De notre envoyé spécial au Texas, Nous voici à Beaumont, tout à l’est du Texas. La Louisiane est toute proche. C’est ici même au tout début du XXe siècle qu’a été découvert un immense gisement pétrolier qui a lancé une véritable ruée vers l’or noir. À tel point que la ville consacre un musée à l’événement : « Après trois mois de travail acharné, les frères Hamill percent le secret de la plus importante découverte pétrolière de l’histoire. Le 10 janvier 1901, l’éruption projette du pétrole brut sur 30 mètres de haut », commente un film diffusé dans le musée. Le célèbre gisement est depuis longtemps épuisé, mais comme nous l’explique Heather qui travaille au musée, l’or noir reste au cœur de l’économie locale : « Le pétrole est essentiel pour Beaumont. L’université de la ville forme les gamins du coin aux métiers de l’industrie. Les usines pétrochimiques n’arrêtent pas de s’étendre et de recruter. Les gens de la région font jusqu’à deux heures de trajet par jour juste pour venir ici travailler dans nos raffineries. »Devant la grande raffinerie ExxonMobil de Beaumont, nous rencontrons Mike qui vient de finir son « shift » : « Si vous regardez une carte de Beaumont, vous allez voir que la raffinerie représente un tiers de la ville. C’est énorme ! » Alors, on lui demande ce qu’il pense de la politique pro-pétrole de Donald Trump : « Je ne suis pas la politique, pour tout vous dire, je ne vote même pas. Mais pour mettre les choses en perspective, pendant le Covid, Exxon a augmenté ses employés de 12%, alors que toutes les autres entreprises étaient en difficulté et dépendaient du gouvernement ! Donc pourquoi ne pas travailler ici ! »« Je suis préoccupé par l'environnement »Le musée de Beaumont propose une reproduction de la ville telle qu’elle était au moment de la découverte du premier gisement pétrolier. Il y a même un forgeron. « Quand l’industrie pétrolière est née, les forgerons fabriquaient la plupart des outils, les foreuses, rappelle l'intéressé, Rob Flurry. Et cette forge en particulier fabriquait des chariots, c’était le seul moyen de transporter le pétrole. Bien sûr, après, les voitures sont arrivées et les forgerons ont dû s’adapter. »Rob Flurry, lui, a fait le chemin inverse : « J’ai travaillé dans l’industrie pétrolière presque toute ma vie. Le pétrole a eu son moment, mais aujourd’hui, je suis préoccupé par l’environnement : il est temps de faire les choses plus proprement. Mais dans le climat politique actuel, ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour, mais je suis sûr que ça reviendra ! » Comme quoi au Texas, on trouve de tout, même un forgeron écolo dans un musée du pétrole.À lire aussiEtats-Unis: la baisse des prix du pétrole et la crainte d'une récession freinent l'exploration
    --------  
  • Apprendre l’hébreu à Ramallah: ces Palestiniens qui suivent des études israéliennes pour mieux «combattre» l’occupation
    Alors que la paix entre Palestiniens et Israéliens n’a jamais semblé aussi lointaine, une grappe d’étudiants palestiniens a fait le choix de suivre un cursus d’« études israéliennes ». Au programme : cours d’hébreu, études de grands textes du judaïsme et de la littérature israélienne, histoire et sociologie d’Israël. La prestigieuse université de Birzeit, en bordure de Ramallah, affiche clairement ses objectifs : « Mieux connaître l’occupant » pour mieux le combattre sur le terrain des idées. De notre correspondante à Ramallah,C’est un cours d’hébreu... à la palestinienne. Il démarre par une distribution de baklawas. Grand sourire, une étudiante annonce ses fiançailles tout en promenant un plateau de pâtisseries. Gourmand, Esmat Mansour, le professeur, se sert tout en ne perdant pas de vue ses objectifs pédagogiques : « Mazel tov ! Mazel Tov ! » Les yeux rieurs encadrés de lunettes, il confie à voix basse : « L’hébreu rappelle de mauvais souvenirs aux étudiants. Pour eux, c’est la langue des checkpoints. Alors, j'essaie autant que je le peux de détendre l’atmosphère pendant le cours. Moi, j’adore l’hébreu et mon rôle, c'est de faire aimer cette langue à mes étudiants. Je leur dis souvent qu’en maîtrisant l’hébreu, ils vont gagner en force et en confiance en eux. Si tu ne sais pas t’exprimer en hébreu, les Israéliens te mépriseront. »L’hébreu, le quinquagénaire a eu tout le loisir de l’apprendre en prison où il a passé vingt années de sa vie pour participation au meurtre d’un Israélien établi dans une colonie. Il avait pour camarade de cellule un certain Yahya Sinwar, ancien numéro un du Hamas et instigateur des attaques du 7-Octobre qui ont fait basculer la région dans un chaos dont on ne voit plus la fin.Mais sur ce lourd passé, l’homme préfère se faire discret : « Mes étudiants sont curieux et veulent en savoir plus sur l’expérience de la prison, mais l’université n’est pas le lieu pour le faire. Ici, je ne parle que des bons aspects de la prison. Avoir pu apprendre l’hébreu est l’une de ces bonnes choses. »« C’est normal de vouloir en savoir plus sur les Israéliens »Lui qui dit croire désormais en une « solution politique » au conflit, prodigue la matière phare du cursus : l’hébreu à raison de neuf heures par semaine. Révisions du vocabulaire de base et apprentissage de quelques adages en hébreu, le cours se déroule dans une ambiance bon enfant teintée de salves d’humour noir. Après la lecture d’un texte évoquant la protection de la nature et des animaux, un étudiant lance, cynique : « Ils sont fantastiques, les Israéliens ! Ils font attention à tout, la nature, les animaux ! Sauf à nous ! Nous non, on ne compte pas ! Pourquoi ? Aucune idée ! ». Les rires fusent. « Les plus tragiques des désastres sont ceux qui provoquent des rires », soutient le poète palestinien Mohammed El-Kurd dans son recueil « Rifqa ». Ici, on rit beaucoup. Tout en rondeurs et sourires lui aussi, Rabih Bader, 27 ans, dit vouloir entamer un travail de recherche consacré à ce qu’il appelle la « judaïsation de l’histoire palestinienne » par les Israéliens. Impossible donc de faire l’impasse sur l’hébreu : « C’est normal de vouloir en savoir plus sur les Israéliens. Eux savent tout de nous. Ils ont de très bons départements d’études palestiniennes dans leurs universités. Ils étudient non seulement l’arabe, mais même les différents dialectes palestiniens. Ils sont super spécialisés, à nous d’en faire de même. » Oreilles dressées pour écouter les cours, plusieurs étudiants gardent un œil en permanence sur leurs smartphones. Les dernières informations sont égrenées à haute voix : arrestations, incursions de l’armée israélienne ou rumeurs de fuites de documents au sein du Shin Bet, l’appareil de renseignements israéliens, la salle de classe a aussi des airs de rédaction. On commente, on se perd en conjectures et souvent, on ironise, encore et encore, sur la situation. Un programme lancé il y a dix ansPour accéder à cette rieuse salle de classe, il en aura fallu de la patience. Ici comme dans beaucoup d’endroits de Cisjordanie occupée, la méfiance règne. Avant de nous autoriser à nous mêler à leurs étudiants, les responsables de l’université de Birzeit annoncent avoir fait « leur enquête » sur nous. Un mois et demi d’échanges d’e-mails, de messages WhatsApp, de smileys, de vœux pour l’Aïd, de rencontres et de tractations plus tard, les portes de ce programme académique inédit s’ouvrent enfin à notre micro.Sous un portrait de Shireen Abou Aqleh – ancienne étudiante et professeur à Birzeit, mais surtout journaliste star d’Al Jazeera abattue en plein reportage à Jénine par l’armée israélienne – Najat Abdulhaq, sémillante responsable du département de la communication de l’université explique sa prudence. Smartphone en main, elle montre des photos des différents raids de l’armée israélienne sur le campus. Les dizaines d’étudiants arrêtés, les salles de classes retournées et les drapeaux arrachés l’incitent à la prudence désormais. Dans ce contexte hautement explosif, comment étudier sereinement la société israélienne ? Quand ce programme a été lancé il y a dix ans, un dilemme s’est posé d’emblée : peut-on étudier la société israélienne tout en évitant la « normalisation » ? La solution est vite trouvée. Les seuls Israéliens autorisés à donner cours ici sont des Palestiniens, citoyens d’Israël, comme Areen Hawari, directrice d’un centre de recherches à Haïfa, en Israël. Petite, coupe au carré, elle confie que cette escapade académique hebdomadaire en Cisjordanie occupée est paradoxalement une bouffée d’air pour elle : « Je suis heureuse d’enseigner ici à Birzeit. Je suis palestinienne et cela fait partie de notre projet de libération. Oui, cela fait partie de notre projet de libération de pouvoir produire des études qui soient critiques du colonialisme d’un point de vue académique. Je suis très enthousiaste. » Composant 20% de la population israélienne, les Palestiniens d'Israël sont minoritaires. Présentés comme une cinquième colonne qui menace la sécurité de l’État hébreu, ces professeurs – malgré les checkpoints qu’ils doivent franchir pour venir enseigner en Cisjordanie occupée – trouvent ici paradoxalement un répit de quelques heures dans le climat de suspicion généralisée qui prédomine en Israël. « J’ai un passeport israélien, mais je me sens palestinienne et je porte le poids de la douleur des Palestiniens moi aussi. Notre souhait, c'est qu’Israël ne soit pas un État que pour les juifs, mais pour tous les citoyens. On veut un État démocratique », poursuit Areen Hawari. Combattre la colonisation par les armes du savoirUn département d’études israéliennes peut-il se concevoir sans professeurs israéliens juifs ? Pour Asma, étudiante aussi appliquée qu’impliquée, la question ne se pose pas : « On n’a pas de professeur juif effectivement, mais le problème ce n’est pas la confession en soi. On ne veut pas avoir de profs sionistes. Mais ça n’empêche pas qu’on les lise. On ne peut pas comprendre les Israéliens si on ne lit pas Theodor Herzl et d’autres penseurs du sionisme ». Le sionisme. Le terme revient beaucoup en cours. « Plus de terre, moins d’Arabes », lance une étudiante pour le définir. Une question survient alors : « Peut-on étudier un domaine que l’on n’aime pas ? » Sans circonvolutions, Asma répond avec l’aplomb des punchlines propres à sa génération : « On est un peu comme les médecins qui étudient le cancer. Les médecins n’aiment pas le cancer, mais ils l’étudient pour pouvoir le combattre. » Tous, ici, professeurs comme étudiants, ont l’impression de combattre la colonisation par les armes du savoir. Fondée à l’aube du XXe siècle, l’Université de Birzeit a une longue tradition d’engagement pour la cause palestinienne. Les Français l’ont découverte à la (dé)faveur du déplacement de Lionel Jospin sur le campus le 26 février 2000. Pris à partie par des étudiants scandalisés par ses propos sur le Hezbollah qu’il a qualifié de « terroriste », le Premier ministre français essuie jets de tracts et de pierres. La scène donne des sueurs froides à son personnel de sécurité et vient rappeler combien chaque mot est miné dans cette région du monde. Un programme financé par le Centre arabe de recherche et de sciences politiques de DohaUn quart de siècle plus tard, rien n’a changé. L’Orient reste plus que jamais « compliqué » et suscite l’intérêt redoublé de programmes de recherches du monde entier. À commencer par celui des riches pétromonarchies du Golfe désormais convaincues de la nécessité d’investir dans le savoir en plus de la pierre et des clubs de football européens. La petite trentaine d’étudiants qui suit le programme bénéficient ainsi d’une bourse financée par le Centre arabe de recherche et de sciences politiques de Doha. Un institut dirigé par l’intellectuel palestinien Azmi Bishara également citoyen d’Israël où il fut député. Recherche, journalisme, diplomatie, les secteurs en mesure d’accueillir ces rares étudiants palestiniens connaisseurs en profondeur de la société israélienne sont nombreux et stratégiques.Casquette vissée sur la tête, main qui caresse tantôt un chapelet tantôt une cigarette, Mohanad, le regard clair – lui aussi ancien prisonnier comme 40% des hommes palestiniens et dont le nom sera tu pour des raisons de sécurité – confie pourtant avoir du mal à savoir ce qu’il fera de son diplôme. « Tu sais, nous en Palestine, on ne sait plus se projeter. Là, je suis avec toi, mais demain qui sait où je serai ? J’ai été emprisonné deux fois. Je peux être emprisonné à nouveau à tout moment. Depuis le 7-Octobre, on parle même de nous faire partir d’ici de façon massive. C’est difficile de pouvoir réfléchir à l’avenir ».  « L’impossible futur ; comment la colonisation israélienne sape les rêves d’avenir de la jeunesse palestinienne ». Un thème de recherche académique en soi… 
    --------  

À propos de Reportage international

Chaque jour, l’illustration vivante et concrète d’un sujet d’actualité. Ambiance, documents, témoignages, récits en situation : les reporters de RFI présents sur le terrain décrivent le monde avec leur micro. 
Site web du podcast
Applications
Réseaux sociaux
v7.17.1 | © 2007-2025 radio.de GmbH
Generated: 5/9/2025 - 8:42:00 PM