Le titane, le métal de l'aviation qui échappe aux sanctions contre la Russie
Indispensable à l'aviation, le titane produit en Russie est, jusqu'à présent, passé entre les gouttes et n'a pas été sanctionné par l'Union européenne. La guerre tarifaire initiée par Donald Trump ne s'est pas intéressée non plus à ce métal réputé pour sa légèreté et sa résistance à la corrosion. Les inquiétudes n'ont jamais porté sur le minerai brut de titane, qui est essentiellement utilisé sous forme de pigments, mais sur le métal, c'est-à-dire le minerai qui a subi plusieurs étapes de transformation. Plus particulièrement, les inquiétudes sont concentrées en particulier sur le métal de qualité aéronautique, qui entre dans la composition des fuselages, des moteurs ou encore des trains d'atterrissage, et dont la Russie est le premier exportateur. Vladimir Poutine avait évoqué la possibilité de couper le robinet, mais ne l'a pas fait. La Chine n'a pas imposé non plus de contrôle à l'exportation de son titane – probablement parce que la qualité du titane chinois ne pèse pas encore assez sur le marché international pour que ce soit un levier pertinent. Le titane, déjà soumis à des mesures tarifaires américaines, a par ailleurs été exempté des droits de douane supplémentaires introduits le 2 avril.L'Europe, trop dépendante au titane russe, continue de son côté d'en importer, même si les groupes aéronautiques, Airbus et Safran, notamment, poursuivent leurs efforts pour diversifier leur approvisionnement. À écouter aussiLe titane russe toujours irremplaçableAccélération de nouveaux projetsLes tensions suscitées par le début de la guerre en Ukraine ont accéléré les projets de production de titane. Des investissements engagés en Arabie saoudite avant la guerre ont permis, depuis l'année dernière, de produire du métal de qualité aéronautique, qui intéresse de près Airbus. Au Japon, au moins une usine de production qui devait fermer a finalement continué à tourner. L'Inde se positionne aussi dans le secteur : les premiers lingots de titane du pays sont en passe d'être produits par le groupe PTC Industries, s'ils ne le sont pas déjà, explique un expert de la filière. Il faut aussi compter avec la Chine qui, depuis dix ans, a démultiplié ses capacités de raffinage, au point d'être quasiment en surcapacité, selon un de nos interlocuteurs. S'il est de plus en plus exporté au Japon et en Corée du Sud, le titane chinois n'est pas reconnu de qualité aéronautique par Airbus et Boeing et sert essentiellement à l'industrie locale et au nouvel avionneur Comac. Si cela changeait, le marché mondial gagnerait un fournisseur important. Tensions sur les prix de certaines qualités de titaneLes craintes de voir l'approvisionnement perturbé se sont traduites sur les prix, mais selon le produit en titane concerné, les variations ne sont pas les mêmes. Le ferrotitane, un alliage, a vu son prix baisser en raison d'une moindre demande des sidérurgistes, selon le cabinet Argus Media. Selon leur analyste Ronan Murphy, depuis le début de la guerre en Ukraine, le titane de qualité aéronautique n'a lui, en revanche, plus jamais vu son prix baisser. Certaines qualités d'éponge de titane ont augmenté de 42% depuis le début de la guerre, pour ne donner qu'un seul exemple.Un des facteurs déterminants pour les prix sera la demande, et en particulier celle de Boeing. En 2024, l'avionneur a vu sa production d'appareils chuter à son niveau le plus bas depuis la pandémie de Covid-19.