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  • Gérald Remy, inspecteur des collections au Mobilier national [4/9]
    Le Mobilier national et les manufactures ont toujours été des lieux de création contemporaine, collaborant avec des artistes, artisans d’art et designers depuis l’époque de Louis XIV. La commande d’œuvres d’art textile et de mobilier contemporain intègre ainsi les résidences de l’État français. Des collections riches de 130 000 biens : tapisseries, meubles, textiles et céramiques reflètent l’évolution de l’ameublement officiel en France depuis le XVIIe siècle. Gérald Remy est inspecteur des collections au Mobilier national. Il veille à la conservation, la gestion et la valorisation d’œuvres du Mobilier national, en particulier celles datant de 1900 à 1964. J'avais déjà un intérêt pour le Mobilier national en tant que conservateur du patrimoine. Mais, il faut savoir que le Mobilier national n'est pas qu'un lieu de conservation, c'est aussi un lieu de création. Ce qui est vraiment étonnant, c'est de jouer sur ces deux tableaux, d'être là et de se dire que l’on crée et que l’on voit créer des œuvres qui vont arriver dans le patrimoine français. « Ces éléments qui ont été contemporains et qui sont contemporains, par exemple en 2025, peut-être que dans 50 ans, on va les vénérer comme des objets totalement patrimoniaux et qu'il faudra préserver au maximum. C'est ce qui s'est passé déjà au XVIIIe siècle. C'est un exemple que je cite énormément : nous avons des sièges de Saint-Cloud pour la reine Marie-Antoinette qui sont dans nos collections et à chaque fois, les visiteurs les voient comme des icônes. Je leur rappelle toujours que ce sont des sièges. Au départ, avant d'être des icônes, ce sont des meubles, des objets qui étaient pratiques. Beaux, mais pratiques. » Originaire de Franche-Comté, dans l’est de la France, Gérald Remy nourri sa passion pour l’art et l’architecture dès l’enfance dans un environnement familial attaché à l’histoire et à la beauté des objets. Après un parcours académique prestigieux à l’École du Louvre et la Sorbonne, il intègre le ministère de la Culture, en passant le concours de conservateur. Il travaille notamment à Beaubourg, au Fonds national d’art contemporain, et au sein de la direction des affaires générales du ministère de la Culture. Il rejoint le Mobilier national en 2009. « Je connaissais déjà parce que j'avais certains de mes condisciples de l'école du Louvre qui étaient ici, qui étaient inspecteurs, et je suis venu. Mais bien sûr, je connaissais déjà le Mobilier national puisque j'étais en rapport avec eux pour les dépôts au ministère de la Culture. C'est très drôle de se retrouver à la fois demandeur et puis après pourvoyeur, si l'on peut dire. Vous avez toujours un rapport d'étonnement lorsque vous arrivez, parce que cette institution, lorsque je suis arrivé, n'était pas aussi ouverte. C'était une institution qui travaillait beaucoup, mais qui communiquait peu. Où l'on était encore dans le secret, puisque qu'elle était au service des plus grands de ce monde français, du président de la République, des institutions. Mais qui avait la chance d'avoir des collections fabuleuses et qui mettait tout en œuvre pour les présenter, pour les mettre en avant, aussi bien auprès des institutions qu'auprès des musées et des institutions étrangères. Tout un panel d'interlocuteurs passionnant. » Gérald Remy est inspecteur des collections, un métier hérité du XIXe siècle, dont il apprécie la richesse historique et les responsabilités. « C'est une spécificité du Mobilier national. Inspecteur, c'est vraiment le terme employé depuis la fin du XVIIIe et XIXe siècle. Nous sommes inspecteurs des collections, inspecteur du Mobilier national. Nous avons un rôle d'inspection. C'est-à-dire de retrouver, de recoller tous les objets que nous avons en dépôt pour être sûrs qu'ils sont bien présents, en bon état et dans les lieux où on les a déposés. Parce qu'un meuble bouge. Un siège, cela peut passer d'un bureau à un autre. Notre mission, c'est non seulement de les retrouver, mais de savoir si, lors de ces transports, ils n'ont pas été abîmés, détériorés ou s'ils nécessitent de revenir au Mobilier national. C'est l’une de nos premières missions, bien sûr, cette mission de récolement. Mais nous avons également une mission d'étude de ces collections. Certains meubles, on croyait les connaître, mais grâce à l'étude de leur numéro d'inventaire, des marques qu'ils portent sur leur bois ou sur leurs textiles, nous pouvons retrouver leur histoire. La petite histoire, bien sûr, de leur création, mais aussi la grande, puisqu'ils furent souvent utilisés pour des grands événements. C’est vraiment formidable. » Une partie du travail de Gérald Remy consiste à effectuer le récolement. C’est-à-dire la vérification des collections, à documenter leur histoire à partir des inventaires, des archives et des photographies, et à veiller à leur bon état et à leur localisation précise en faisant un état des lieux régulièrement. « Au Mobilier national, jusqu'à maintenant, nous avions une obligation de dresser un inventaire tous les cinq ans. Tous les cinq ans, nous préparons cette inspection en reprenant toutes les listes pour savoir ce que l'on doit vraiment trouver. À partir de ces listes, nous allons prendre des rendez-vous sur place. C'est ce que nous avons fait, en 2022, pour les services du Premier ministre, puisque je suis en charge des services du Premier ministre également. Nous avons fait des inspections sur tous les lieux du Secrétariat général du gouvernement. Nous sommes un peu comme Saint-Thomas. Il nous faut voir nos petits, une fois tous les cinq ans, pour savoir s'ils sont bien tous là, en bon état et s'il n'y a pas des choses à faire revenir. Parfois même, nous sommes force de proposition en disant "Écoutez, vous avez un élément pour lequel nous pourrions vous proposer quelque chose en plus pour finir un décor, pour finir une atmosphère." » La gestion des collections couvre une large période, de Louis XIV à nos jours, Gérald Remy se consacre aux objets des années 1900 à 1960 et doit aussi répondre aux besoins d’usage moderne.  « Par exemple, le mobilier du XIXe siècle, qui était au départ toujours un mobilier d'apparat, ne correspond plus aux us et coutumes administratives du XXIe siècle. Mais cela ne veut pas dire qu'il a perdu de sa qualité et de sa fonctionnalité. Malgré tout, nous allons le réutiliser autrement avec des réaménagements scientifiques, ces dépôts et parfois des collections qui réapparaissent. Je suis donc responsable des collections des années 1900 à 1960, pendant à peu près une quarantaine, cinquantaine d'années. Les collections de 1930 à 1950 n'étaient plus utilisées pour les ameublements. Suite au Covid et à un plan de soutien aux restaurateurs, et pour abonder ce plan de soutien, nous avons utilisé les collections. Mes collections de ces années 1940, 1950, elles ont été restaurées et elles resservent désormais pour les ameublements. Nous n’allons pas les utiliser en "total look", c'est-à-dire recréer un bureau qui aurait connu des ministres du Front populaire. Non, nous allons utiliser une pièce avec d'autres pièces contemporaines, et instituer un dialogue entre le tout pour que cela soit vraiment représentatif de la période et des arts décoratifs français. » Au-delà de la conservation, Gérald Remy joue un rôle essentiel dans la création, en participant à des projets contemporains, à la réintégration d’œuvres dans leur contexte historique. Ou encore à la réédition d’objets pour répondre aux besoins d’usage moderne. Pour Gérald Remy, préserver le patrimoine, ne suffit pas, il faut le faire vivre. « Les nouveaux hommes et femmes politiques sont de plus en plus jeunes. Ils veulent également coller non seulement à l'actualité, mais aussi à leur vie. Parce qu'un ordinateur sur un bureau Louis XV, Louis XVI, ce n'est pas très pratique. Nos jeunes gouvernants n'aiment plus cela. Ils aiment le design, ils aiment tout ce qui est création contemporaine. Nous achetons donc soit des œuvres de designers, mais créés et vendus par des magasins, soit au sein de l'atelier de recherche et de création, l’ARC, des projets que nous avons demandés à des designers et qui sont fabriqués au sein du Mobilier national. » L’inspecteur des collections exerce une fonction à la fois scientifique et artistique. Il vérifie la présence des objets déposés dans divers lieux, qu’il s’agisse de ministères, d’ambassades ou de réserves, et quelques fois cela permet de compléter l’histoire d’un meuble. Une grande fierté pour Gérald Remy. « Nous avons de très grandes réserves. Pendant des années, je suis passé devant un grand meuble de la période art déco, très beau. Il dormait là. Il était conservé, mais muet. Il avait un numéro d'inventaire, mais pas de créateur. Rien. Je l'ai vu une fois, deux, trois, quatre, cinq fois. Je m'en suis imprégné énormément. En refaisant d'autres recherches, j'ai feuilleté des ouvrages sur l'exposition de 1925 et sur quoi je suis tombé : sur une photo d'une pièce qui avait été créée par la Maison Dominique pour l'espace de la société des artistes décorateurs. Sur cette photo, le meuble était là, bien présent. À partir de cette photo, j’ai pu remonter toute son histoire, c'est-à-dire qu'il a été présenté en 1925, acheté directement par le Palais de l'Élysée pour l'ameublement du Palais de l'Élysée. En 1939, 1940, l'Élysée est fermé puisque la guerre est venue, et ce meuble est apporté dans les réserves du Mobilier national pour être protégé. Pris à l'inventaire, il vient dormir pendant presque trois quarts de siècle, jusqu'à ce que je le réveille. Depuis, sur sa fiche, nous avons son année de création, son historique et également le nom de ses créateurs, la Maison Dominique. C’est primordial, c'est le but de nos recherches, notre rôle, ici, au Mobilier national. »            Abonnez-vous à 100% création, 100% création est disponible à l’écoute sur toutes les plateformes de podcasts : Pure radio, Apple Podcast, Castbox, Deezer, Google Podcast, Podcast Addict, Spotify ou toute autre plateforme via le flux RSS.   Si vous aimez ce podcast, donnez-lui 5 étoiles et postez un commentaire sur ces applications pour qu'il soit visible et donc encore plus écouté  Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux : Instagram / Facebook
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  • Solène Corlet, les couleurs de l'atelier teinture du Mobilier national [3/9]
    100% création vous propose une série estivale dédiée aux métiers d'art du Mobilier national. Au sein de ce lieu emblématique du patrimoine français, l'atelier de teinture, créé en 1665 par Colbert, est un lieu historique qui n'a pas changé de place depuis sa création. Le nuancier du Mobilier national est un grand album regroupant plus de 16 000 couleurs de laine teintées, servant à la classification et mémorisation des couleurs. Il facilite le dialogue entre artistes et artisans pour la création ou la restauration, permettant ainsi de retrouver précisément les couleurs d'origine grâce à un système de référence enrichi chaque année. Aujourd'hui, nous avons rendez-vous avec Solène Corlet, teinturière et adjointe à la cheffe de l'atelier teinture du Mobilier national. Elle prépare et ajuste les teintures pour les tapisseries, tissus et œuvres d'art. « C'est un défi à chaque fois. Un nouveau projet, une nouvelle couleur et cela change tout le temps. C'est ce qui est bien », confie-t-elle. « La teinture a agi sur toutes les tapisseries et les tapis qui sortent du Mobilier national. Et nous, nous trouverions agréable que cela soit plus mis en avant, parce que c'est un savoir-faire. Certes, nous sommes dans notre coin, remisé, caché, mais c'est un savoir-faire qui se perd s'il n'y a pas de transmission, s'il n'y a pas de visibilité, si on ne dit pas que c'est un métier génial », assure la teinturière. Née à Saumur (Maine-et-Loire), Solène Corlet a toujours été passionnée par les couleurs et l'artisanat textile. Dyslexique, elle a rencontré des difficultés dans le système scolaire classique, ce qui l'a conduite à suivre un parcours atypique : une année de licence d'anglais, puis une mise à niveau en arts appliqués, et enfin un diplôme des métiers d'art textile, option broderie. Après ses études, elle a effectué des stages notamment au Mobilier national en restauration tapisserie, ce qui lui a permis de découvrir le métier de teinturière. Cette amoureuse des couleurs a intégré l'atelier de teinture où elle prépare et ajuste les teintures pour les tapisseries, tissus et œuvres d'art, en utilisant des techniques empiriques transmises oralement : « Il n'y a pas de livre de recettes. Chaque personne a un petit carnet où elle note ses formules, mais nous savons que lorsque nous devons refaire la même couleur, nous ne pouvons pas reprendre ces notes et refaire la couleur. Ce n'est pas possible. Si nous le faisions, nous serions 30% trop foncé, donc cela veut dire repartir plus clair et se rapprocher de la couleur. En plus, cela diffère du lot de laine. Nous avons une commande de laine qui est passée presque tous les deux ans, nous commandons une tonne. Cette laine n'est pas blanche, elle ne va pas avoir le même écru, elle peut être plus jaune que celle d'il y a deux ans et cela va jouer sur la couleur. » La maîtrise des couleurs et la connaissance des matériaux sont essentielles, car la longévité de l'œuvre tissée dépend en partie des coloris. La difficulté de reproduire exactement une couleur, en raison de la variabilité des matières, souligne, selon Solène Corlet, la dimension artisanale et unique de chaque teinture : « La matière première a déjà une couleur. Le colorant n'est pas un pigment. Le pigment s'applique sur une matière et c'est tout. Le colorant se lie chimiquement à la matière. Par transparence, on voit la couleur qu'il y avait en dessous. Notre laine un peu jaune, si nous faisons un violet, cela grise. C'est compliqué, nous ne pouvons pas reproduire exactement la même couleur. C'est pour cela que notre métier est très empirique. Il faut ajuster à chaque fois. Cela prend beaucoup de temps. » L'atelier teinture a pour mission de teindre la quantité – aussi appelé kilotage – de fibres textiles nécessaires à l'exécution ou à la restauration de tous les tapis et tapisseries. L'atelier teint annuellement une moyenne de 600 kilos de laine, 10 kilos de soie et 10 kilos de lin. À la demande des liciers – ceux qui tissent – et selon différents cas de figure, l'atelier de teinturerie doit trouver les nuances de couleurs très précisément : « Soit ils arrivent avec un échantillon sur une cartonnette, un échantillon en laine teinte que nous avons déjà fait, soit ils arrivent avec des échantillons, et nous allons en discuter. Il va nous dire ''il faut que ce soit plus bleu, plus rouge'' etc. Un autre cas de figure : une gamme. On nous donne le plus clair, le plus foncé, et nous allons créer ce qu'il y a entre. Les liciers arrivent avec les couleurs qu'il faut et le bon poids pour toute la pièce. Comme ça, normalement, nous n'avons pas à refaire. Il faut un kilotage avec la bonne quantité avec une petite marge de sécurité pour qu'il n'y ait pas à refaire. Ensuite, une fois qu'on a récupéré les échantillons et qu'on a discuté de cela, pour nous, la première étape, c'est la laine. On la reçoit en écheveau, donc c'est une boucle de laine et elle n'est pas traitée. Il faut la passer au dégraissage, parce qu'il y a encore le suint du mouton sur la laine, et ensuite le mitin. Le mitin, c'est un produit chimique qui va rentrer au cœur de la fibre. Comme cela, il n'y aura pas de petits trous de mites quand les licières sont en train de tisser. Puis, il y a deux cas de figure : soit on fait directement les couleurs qu'on nous a demandées, soit il y a eu des essais tissés avant. C'est le cas en général, pour voir si les couleurs se mélangent bien ensemble. Elles nous font teindre et après, on refera avec le bon kilotage. » Solène Corlet, après avoir reproduit les échantillons sélectionnés au nuancier ou créé des couleurs inédites nécessaires à la transposition du modèle mis en production, élabore, en collaboration avec le licier et l'artiste, de véritables combinaisons chromatiques. « Il y a un monsieur qui est important historiquement à l'atelier de peinture, c'est Michel-Eugène Chevreul. Il a été directeur de l'atelier Teinture et du Muséum d'histoire naturelle. Il a mis en forme le cercle chromatique et il a aussi fait plein d'autres recherches. Celle qui nous intéresse, c'est par exemple pour le blanc, le contraste simultané des couleurs. En simplifié : une couleur à côté d'une autre, optiquement, ça donne un résultat. Toutes seule, ça donne un autre résultat. Nous ne pouvons pas faire de blanc, donc, nous allons chercher optiquement que cela fasse blanc par rapport à ce qu'il y a autour. On n'a pas de blanc, mais on va faire un gris très clair ou un petit violet. À côté de jaune, de rouge, de vert, il va paraître blanc », développe-t-elle. Dans son atelier, Solène Corlet doit faire face à des contraintes d'abord physiques, comme les risques de brûlures, ainsi que chimiques, avec la manipulation d'acides ou de colorants, mais aussi environnementales. Pour l'équipe de l'atelier de teinture, l'évolution vers des produits moins toxiques et la sécurité sont des enjeux majeurs : « Il y a eu des colorants naturels jusqu'en 1940. Maintenant, nous sommes passés en synthétique, cela change tout. Ici, au Mobilier national, on teignait avec les colorants dits grand teint : garance et rouge orangé, cochenille et rouge violacé, pastel indigo et les bleus. La gaude, c'est du jaune et le brou de noix, cela donne tout ce qui est marron et les couleurs des carnations. Cela marche avec un mordant, qui va fixer le colorant sur la fibre. Il y a plusieurs mordants. Le plus récurrent, parce que c'est celui qui correspond vraiment aux couleurs des plantes, c'est l'alun. On peut nuancer la couleur avec d'autres mordants comme le fer, le plomb, le cuivre, le titane. Mais du coup, c'est toxique. Question sécurité, c'est mieux maintenant. Aujourd'hui, on a nos colorants qui sont bien identifiés. Cela étant, il y a des recherches sur les colorants. Il faut vérifier s'ils sont encore bons. Il faut qu'on soit alerte à cela. Et puis, il y a des choses qu'on ne trouve pas. Par exemple, l'antimite, ce n'est pas bon pour les insectes, ce n'est pas très bon pour l'environnement. On sait que ce n'est pas l'idéal, mais il n'y a rien de mieux qui a été fait pour l'instant. Au sujet de la sécurité, nous utilisons des acides, donc on fait attention quand on les manipule. Nous sommes presque toutes SST (secouriste du travail), nous connaissons les gestes à tenir si jamais il y a une brûlure. » L'atelier de teinture, c'est une équipe restreinte de quatre personnes, où la transmission doit être assurée en permanence, car l'absence de cursus officiel menace la continuité de ce savoir-faire précieux : « Nous travaillons globalement tous sur les mêmes projets, en se les répartissant parfois parce qu'il y a beaucoup de travail. Il y a l'expérience. Les couleurs très claires ne sont pas très faciles à avoir, et les soies, c'est très délicat. Si on vient d'arriver, on ne va pas être mis directement sur une soie ou sur une couleur très claire. Après, c'est l'appétence de chacun. Je préfère les couleurs flashy, donc si tout le monde est d'accord, je prends les clairs. J'ai une collègue, Doriane, qui aime les verts. Moi, je préfère les jaunes. On va se les répartir comme cela parce que j'ai remarqué que quand on apprécie la couleur, c'est plus facile de la faire. Nous devons être polyvalents. Comme nous sommes quatre, il suffit qu'il y ait quelqu'un de malade ou en congés. Il faut pouvoir tout faire. La transmission, ici, occupe une grande place puisqu'il n'y a pas de formation. Nous sommes formés par le chef. Nous sommes là pour transmettre le savoir-faire parce que nous devons apprendre aux nouveaux recrutés comment faire, apprendre à exercer l'œil. Et ce n'est que de la transmission. Il n'y a pas de formation, pas d'école. Quand on prend quelqu'un, la personne est directement mise sur la production et doit apprendre. Et si cela ne marche pas, et bien cela ne marche pas. » Abonnez-vous à 100% création 100% création est disponible à l'écoute sur toutes les plateformes de podcasts : PURE RADIO, Apple Podcast, Castbox, Deezer, Google Podcast, Podcast Addict, Spotify ou toute autre plateforme via le flux RSS.   Si vous aimez ce podcast, donnez-lui 5 étoiles et postez un commentaire sur ces applications pour qu'il soit visible et donc encore plus écouté  Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux : Instagram 100% Création Facebook 100% Création-RFI            
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  • Raphaël Celce, Lustrerie-Bronze au Mobilier national, la relève [2/9]
    Nous explorerons les coulisses des ateliers du Mobilier national où plus de 300 artisans, techniciens d’art, restaurateurs et créateurs façonnent, restaurent et font rayonner l’art de vivre à la française. Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec Raphaël Celce à l’atelier Lustrerie-Bronze. Un atelier spécialisé dans trois domaines : la monture, la ciselure et le tournage. Raphaël Celce travaille principalement sur des objets en bronze doré tels que lustres, appliques, pendules, bougeoirs et bronzes de meubles du XVIIe siècle à nos jours. Au sein du Mobilier national, Raphaël Celce maîtrise, donc, plusieurs métiers liés à la restauration : le tournage, la ciselure, la serrurerie, l’horlogerie, la cristallerie.  Je ne crée pas forcément, mais j'y réfléchis énormément. Je l'envisage forcément d'un point de vue personnel. La création se fait naturellement, dans un tel bouillonnement, une telle effervescence d'objets et de métiers différents, la création arrive naturellement. Raphaël Celce, technicien d’art spécialiste du bronze de l’atelier Lustrerie-Bronze du Mobilier national :  « La plupart des gens connaissent le Mobilier national et quand ce n’est pas le cas, ce qui arrive souvent aux Journées du patrimoine, nous présentons nos ateliers, nos savoir-faire et notre métier. Nous sommes très attachés à conserver un patrimoine historique et culturel que sont les objets et les collections qui appartiennent à l'État. Quand je dis à l'État, évidemment, ce sont des collections qui appartiennent au Mobilier national. » Né à Clichy-la-Garenne, Raphaël Celce a grandi à Saint-Ouen près de Paris. Après ses études à l’école Boulle, un établissement parisien spécialisé dans les métiers d’art et du design, il se consacre au tournage sur bronze. Un métal qu’il aime travailler. « J'ai plus de mal à m'envisager dans un travail du bois. Par contre, le travail des métaux, je trouve que c'est un travail qui demande beaucoup de rigueur. Le bronze est très tolérant. Il nous permet une marge d'erreur assez large. Ce qui explique que les objets sont aussi nombreux : ils ont pu être endommagés et restaurés. Nous conservons des objets d'époque grâce à cela. Je dirais qu'il y a des métaux qui demandent plus de rigueur, notamment les métaux ferreux, tout ce qui va être acier, inox, demandent beaucoup de rigueur dans la conception de l'objet pour que l'objet final soit le plus propre possible. En règle générale, c'est le cas. C'est juste que le bronze est légèrement plus permissif. » Après avoir exercé pendant plusieurs années dans des ateliers privés, il rejoint le Mobilier national via le concours. Dans l’atelier de Lustrerie-Bronze : il analyse, démonte, nettoie, répare et remonte des pièces précieuses tout en respectant leur histoire et leur usage. « La restauration que nous exerçons sur les objets qui continuent d'être utilisés. Ils sont fonctionnels. Cette fonctionnalité fait que nous devons les restaurer pour l'usage, c'est-à-dire que les clés doivent fonctionner, les mouvements des pendules doivent être en état de marche et sûrs, le tiroir des bureaux doit être fonctionnel, l'éclairage des lustres doit être fonctionnel. Nous ne pouvons pas envisager une restauration partielle sur un objet. Il faut que l'objet soit restauré entièrement. » Raphaël Celce fait partie d’une équipe de sept personnes qui partagent leurs connaissances avant et pendant la restauration des objets, afin de garantir la pérennité des techniques ancestrales. Le travail collectif permet d’aborder des projets complexes avec efficacité et d’élargir le champ des savoirs faire de chacun. « Avant d'intervenir sur un objet, notamment quand c'est un objet important, nous réfléchissons tous autour pour essayer d'être le plus respectueux possible de l'objet. C'est dans la réflexion, mais également dans l'intervention, puisque quand nous démontons ou déposons un lustre, nous sommes forcément trois ou quatre à manipuler la corde qui va nous permettre de descendre le lustre. Il y en a un qui est en hauteur, qui donne des commandements. C'est un travail d'équipe permanent. Nous sommes une équipe très soudée, nous travaillons ensemble tout le temps, même quand nous sommes seuls sur un objet. Si nous avons une interrogation, les autres sont souvent prêts à partager leur expérience, leurs connaissances. Je dirais plus que ce sont des méthodes que certains ont plus utilisées que d'autres. On sait qu'untel est intervenu sur tel objet avec telle méthode ou telle technique. Nous allons lui en parler et lui demander comment il a envisagé la chose. Qu'est-ce qui lui a posé un problème ou non ? Nous pouvons nous approprier la méthode et être capable d'intervenir sur l'objet et de la réutiliser. » Entre patience et minutie, Raphaël Celce restaure des lustres centenaires, des pendules mythiques et des objets d’une richesse historique exceptionnelle. Mais des objets qui doivent rester fonctionnels. « En plus du bronze, nous apprenons l'horlogerie. Nous sommes amenés à mettre en route et arrêter les pendules dans les ministères et chez les autres dépositaires. Il faut qu'on soit capable de comprendre pourquoi une pendule fonctionne, pourquoi elle ne fonctionne pas et tous les aléas qui vont avec. Nous sommes formés aux métiers de la serrurerie puisqu'on restaure et on refabrique les clés pour les bureaux. C'est encore une autre technique et, en plus, on sauvegarde un savoir-faire traditionnel de serrurerie ancienne avec des pièces forgées qu'on ne voit vraiment plus de nos jours parce que ce sont des objets très anciens et que désormais toute serrure est faite à la machine. Nous nous perfectionnons pour être capables de restaurer ces serrures, toutes les serrures et toutes les clés qui vont avec. » C’est à la fois une difficulté et une richesse de travailler sur des pièces allant du XVIIe au XIXe siècle, chacune ayant ses particularités stylistiques et techniques. Et parfois de belles découvertes à la clé. « Une de mes périodes préférées est celle de Louis XVI où il y a eu de très beaux objets, très fins et très bien faits, dans des quantités beaucoup moins importantes. Quand on tombe sur un objet de Louis XVI ou un objet Louis XV, un objet Louis XIV, c'est encore plus rare. On est tout de suite très marqué par l'histoire de l'objet. Je trouve que les objets ont une aura et quand ils sont d'époque, cette aura prend vraiment une place importante. L'autre jour, on a eu un lustre Louis XVI. Il y avait le numéro, la photo d'inventaire qui avait été prise, elle datait de 1897, autant vous dire que c'était une photo très ancienne en noir et blanc dans un ministère où on lisait quand même l'objet, mais on ne savait pas trop comment il était monté. La mission qui m'a été donnée, qui est rare, qui n'était pas de restaurer l'objet, mais de le remonter en l'état pour faire une photo et voir éventuellement si un jour, il serait restauré, ce qu’il y avait à faire. Nous nous sommes rendu compte que c'était un lustre d'époque, que toute sa cristallerie était en cristal de roche, un minéral pur, avec des inclusions dans le cristal qui étaient vraiment marquées et qui montraient une grande qualité de cristal et une monture de l'objet qui était hors norme. Le moindre écrou était fait en bronze et sculpté. C'était une prouesse technique et artistique pour l'époque, en tout cas. Cela a été un objet très intéressant à restaurer d'après une photo de basse qualité. Mais la nouvelle photo a été prise à l'atelier, puisque les objets ne rentrent pas forcément dans le studio photo. Cela permet de documenter pour les générations à venir. » La manipulation d’objets lourds, fragiles ou complexes comme les lustres demande calme et dextérité. La restauration de ces pièces mythiques ou d’objets de grande taille représente des défis importants. « Quand on est sur site, si on peut, on démonte un maximum d'éléments pour que, pendant le transport, ils ne s’endommagent pas. Si ce n'est pas possible pour des raisons de manutention, on va le placer dans une cage, un portant, dans lequel, l’objet est attaché pour qu'il bouge le moins possible durant le transport. La cristallerie, elle, est mise à côté pour éviter les dégâts sur les cristaux. Une fois que cela est fait, le camion va nous le ramener à l'atelier. On va commencer son analyse, faire beaucoup de photos, de documentation sur quel est son état avant restauration, s'il y a des chocs, s'il y a des fissures, etc. On va d'abord démonter tous les éléments, vérifier leur intégrité, que les éléments vont tous bien à leur place. On va faire un nettoyage complet de la structure en bronze. Chaque élément va retrouver sa place, chaque vis va retrouver sa place exacte sur le lustre. Le nettoyage se fait ici. On a différentes méthodes plus ou moins approfondies en fonction du degré de nettoyage à atteindre. Une fois nettoyé, on va pouvoir commencer un premier remontage de l'objet sur sa structure, voir si tout va bien, si au nettoyage, on voit qu'il y a des fissures qui sont apparues ou non. Si c'est le cas, on va les consolider. On ressoude les éléments endommagés, on ne laisse pas du tout de fragilité dans l'objet. » « Et une fois que l'objet est remonté, on va faire l'électrification. Je parle d'un lustre, l'électrification est non invasive sur l'objet. Cette électrification non invasive pour que les fils puissent passer dans la structure, si on peut, mais sinon ils doivent courir le long de la structure de l'objet pour remonter au plafond, là où va être l'alimentation dans le bâtiment. Une fois que cela est fait, on va nettoyer la cristallerie et remettre chaque cristal à sa place. On a fait un plan au préalable sur site au démontage et on refait notamment sur les cristaux, ce qu'on appelle les attaches qui nous permettent de fixer les cristaux sur la structure en bronze. On attache les cristaux un à un. En plus du bronze, on est amené à faire de l'électrification, de l'horlogerie, de la serrurerie, de la cristallerie. On ne taille pas les cristaux, mais on les nettoie, on les entretient, on veille à leur bon état. Cela fait énormément de cordes à nos arcs. »      Abonnez-vous à 100% création  100% création est disponible à l’écoute sur toutes les plateformes de podcasts : PURE RADIO, Apple Podcast Castbox Deezer Google Podcast Podcast Addict Spotify ou toute autre plateforme via le flux RSS.   Si vous aimez ce podcast, donnez-lui 5 étoiles et postez un commentaire sur ces applications pour qu'il soit visible et donc encore plus écouté  Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux : Instagram 100% Création Facebook 100% Création-RFI
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  • Julia Blain, la tapisserie de haute lice et le Mobilier national [1/9]
    100 % Créations vous propose cet été une série consacrée aux métiers d'art du Mobilier national, en neuf épisodes. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, cet établissement prestigieux, sous tutelle du ministère de la Culture, rassemble le Mobilier national et la Cité de la Céramique de Sèvres & Limoges, formant ainsi un véritable pôle d'excellence dédié à la conservation, restauration, création et transmission des savoir-faire d'exception. Au fil de cette série, nous explorerons les coulisses de ces ateliers où plus de 300 artisans, techniciens d'art, restaurateurs et créateurs œuvrent chaque jour pour préserver et faire vivre le patrimoine mobilier et décoratif français. Des tapissiers aux lustriers, des teinturières aux inspecteurs des collections, chaque métier raconte une histoire, une tradition, mais aussi une vision d'avenir. Au sein du Mobilier national deux techniques de tapisserie coexistent la haute lice sur un métier vertical et la basse lice sur métier horizontal. Le principe est cependant le même : les fils horizontaux colorés dit fils de trame viennent couvrir un rideau vertical de fils de chaîne en laine ou coton écru. Aujourd'hui, nous avons rendez-vous à l'atelier Tapisserie avec Julia Blain, cette licière réalise des tapisseries souvent monumentales, en utilisant des techniques traditionnelles de la haute lice. Elle participe aussi à la création contemporaine en collaborant avec des artistes et designers pour donner vie à des œuvres uniques tout en respectant un savoir-faire ancestral.   La création m'anime, cela a toujours été, mais la création pour moi, ce n'est pas que faire des œuvres d'art monumentales comme les tapisseries ici.   Julia Blain, technicienne d'art, artiste licier.  La création, c'est un tout, dans ma vie.  Je ne pourrais pas vivre sans créer. J'ai besoin de cela au quotidien. Je le fais ici. Je crée aussi des choses pour moi à l'extérieur. Cela fait partie de moi et je pense que cela fait partie de beaucoup de personnes qui travaillent au Mobilier national.  Née à Strasbourg, Julia Blain, fille de militaire, a beaucoup bougé pendant son enfance. Le textile fait partie de sa famille, avec notamment des grands mères dentellières et un frère styliste. Après son baccalauréat littéraire, elle intègre les Beaux-Arts où elle confirme son attrait pour le textile. Elle consacre son sujet de mémoire d'étude à la manufacture des Gobelins. Curieuse et déterminée, elle décide d'en faire son métier en se spécialisant dans la tapisserie.  " J'avais six ans d'études derrière moi. Cela correspondait à quatre ans supplémentaires. Mais, c'était une continuité dans mon parcours et dans ma vie. J’ai foncé parce que c'était l'opportunité aussi d’approfondir mes connaissances et d'avoir une stabilité au niveau du travail par la suite. "  Avant d'intégrer la manufacture des Gobelins en 2017. Julia Blain y commence une formation en apprentissage.  « Il y a des visites qui sont organisées par la formation et je pense que c'est bien de faire ces visites parce que nous visitons un peu tous les ateliers qui vont recruter et cela permet vraiment de voir, pour de vrai, ce qui se passe dans les ateliers et voir si cela peut correspondre à nos attentes et nos envies, si on peut se projeter dans ces milieux-là. Cela permet aussi de voir les techniques pour de vrai, parce qu'on imagine beaucoup de choses, fantasme beaucoup de choses et comme ce sont des techniques, je dirais peut-être un peu gardées secrètes, c'est bien de faire ces visites avant de passer les recrutements. Après, pour ce qui est du recrutement, il faut envoyer une lettre de motivation. Il y a un dossier à faire avec ce qu'on aime produire. Ce n'est pas porté uniquement sur la création textile, bien au contraire, ça peut être simplement du dessin ou même son passe-temps comme faire de la restauration de livre. Ce que veut voir le jury, c'est la créativité du candidat, ses envies, ses ambitions. Il y a même des gens qui rentrent et qui n'ont jamais dessiné. Ils apprennent lors de la formation. Il n'y a pas de barrières. Mais, le jury veut voir la curiosité du candidat. »  Julia Blain choisi la haute lice. Une technique qui lui permet de voir toute l'ampleur de son travail et d'exprimer sa créativité. Elle travaille aujourd'hui dans l'atelier tapisserie avec une quinzaine d'autres liciers impliqués dans la création et la restauration de grandes œuvres textiles en équipe et sur des projets ambitieux.  « La tapisserie de manière générale, c'est un travail d'équipe. Nous sommes au minimum deux jusqu'à quatre, cinq, six. Ça va dépendre de la pièce, mais il y a aussi des pièces où on est seul. Ce qu'il faut, c'est pouvoir réaliser le dessin et pour ça, il y a des conditions à remplir. C'est à dire que la façon dont est faite la composition sur le dessin ne va pas permettre plusieurs personnes, parce qu'en tapisserie on ne monte pas rang par rang. Ce n’est pas linéaire, c'est un remplissage de formes qui s'imbriquent les unes sur les autres. C'est une espèce de Tetris. Et pour que ça fonctionne, il faut qu'il y ait des creux et des pleins dans la tapisserie pour être à plusieurs. Si cela n’est pas possible, il va y avoir qu'une seule personne sur la tapisserie. » « La tapisserie précédente sur laquelle je travaillais il y a encore peu, mesurait deux mètres 20 par deux mètres 20. C'est considéré comme une tapisserie relativement petite ou moyenne. Nous étions deux dessus. Nous l’avons terminée et je suis passée sur une tapisserie du Danemark qui fait six mètres de long. Donc, on varie vraiment au niveau des tailles. Tout va dépendre du projet. Tout va dépendre aussi du modèle parce qu’il y a des modèles qui ne vont pas se prêter forcément à du grand format monumental parce que ça ne va rien apporter de supplémentaire, autant rester sur un format un peu plus réduit, avoir quelque chose d'un peu plus précieux, mais qui va prendre toute son ampleur et toute son importance dans un lieu. » La complexité des formats, leurs tailles nécessite une dynamique collective dans l'atelier où l'entraide et la cohésion sont indispensables. Julia Blain apprécie ce travail en équipe.  « Je pense que s'il n'y avait pas une bonne dynamique au sein de l'atelier, le travail ne serait pas aussi agréable. Nous avons besoin d'entraide aussi au sein de cet atelier. C'est-à-dire que on a quand même des métiers à tisser qui sont monumentaux. On fait toutes les manipulations toutes seules, on monte un métier de A à Z toutes seules. Nous avons, donc, besoin de nous entraider énormément. Et donc si on n'avait pas un esprit de cohésion important, on ne pourrait pas avancer comme on avance. Pour cela, je peux remercier aussi mes collègues parce que même si on ne travaille pas ensemble sur les mêmes tapisseries, le fait d'avoir le regard d'une autre collègue sur ce qu'on vient de faire, sur les questions qu'on se posent, c'est très important, parce que ça permet d'avancer et même de magnifier le rendu final. »  Avant de commencer une tapisserie, Julia Blain a recours au carton de tapisserie. Celui-ci indique la composition, les motifs et les couleurs. Il est agrandi aux dimensions de la tapisserie et ce grand patron sert de modèle au licier.  « Il y a des commissions de cartons qui se réunissent pour l'achat des cartons, ce que j'appelle les cartons, c'est les modèles. Les modèles appartiennent à l'État, donc forcément, il y a une commission avec des professionnels, des membres de l'administration, des chefs d'atelier qui vont se réunir pour choisir ces modèles parce qu'il faut bien évidemment que le modèle se prête au textile. C'est la première étape et après c'est distribué dans les différents ateliers. Nous, quand cela arrive dans l'atelier, la dimension est déjà à peu près établie et c'est le chef d'atelier qui propose à un chef de pièce. Le chef d’atelier va choisir une de mes collègues, admettons, qui va devenir cheffe de pièce, il va lui proposer un modèle. Alors, après la discussion est ouverte. On ne force jamais quelqu'un. Non, ce n’est pas possible parce que nous sommes dans un domaine de création. Ça peut devenir une souffrance si la personne se sent mal parce que nous sommes sur des temporalités qui sont complètement différentes des temporalités actuelles. Nous sommes dans une société où on a envie que tout aille vite et toujours plus vite. On est dans des temporalités ici complètement aux antipodes. C'est-à-dire qu’une tapisserie, cela prend entre trois et cinq ans. Si quelqu'un est en souffrance pendant trois ans, entre trois et cinq ans, ce n’est pas possible. La discussion sur le modèle reste ouverte : on propose aux gens et après les équipes se forment comme cela. »  Julia Blain apprécie la diversité des projets. Pour donner vie à des œuvres sur mesure. La collaboration avec les artistes et designers, souvent en amont, est toujours enrichissante.  « Pendant très longtemps, on a acheté des cartons et après on passait à la réalisation. L'artiste ou le designer venait et il y avait un échange qui était fait sur le carton. Mais les cartons ne correspondaient pas forcément tout le temps à un passage en textile. Donc, il y avait aussi une difficulté pour nous de passer de certains cartons au textile. Maintenant, ce qui se passe de plus en plus, c'est qu'on va chercher des artistes en particulier. L’Administration fait appel à eux et leur dit qu'ils veulent, si ça les intéresse, un tissage d'eux. Et donc du coup après l'artiste raisonne, il vient visiter les ateliers et fait son modèle en fonction de la technique et tout ça. Après au long terme, sur une tapisserie. Les relations avec les artistes peuvent être très variées et très différentes. Il y a des artistes qui vont être très impliqués, qui vont venir, qui vont peut-être même un peu trop s'imposer. Et du coup, pour nous, c'est aussi difficile à gérer parce qu'ils ne se rendent pas forcément compte de toutes les ficelles qu'il y a derrière et tout ce qu'on doit gérer. Il y a des artistes qui vont être très présents mais très bienveillants et qui vont dire d’accord, c'est pas ma partie là, je sais pas faire, donc faites, je vous fais confiance et alors là, c'est le meilleur des cas. Et il y a des artistes qu'on ne voit jamais, ça existe aussi. Mais dans tous les cas, il y a quand même une fin heureuse. Nous faisons des tapisseries. » La recherche de couleurs, de textures et l'interprétation personnelle font partie intégrante du travail de Julia Blain. La réalisation de pièces en relief ou combinant plusieurs techniques est pour elle un défi stimulant.  « C'était une tapisserie en relief. C'est quelque chose qui ne se fait pas beaucoup ici. C'est la première fois, je pense qu'on le faisait et c'était un peu le défi à relever. On a fait l'ensemble du tissage, on a déroulé la tapisserie et on est venu réincorporer des chaînes sur le devant de la tapisserie et on a tissé des volumes par-dessus. C'était un peu le défi de savoir :’Est-ce que ça va bien rendre. Est-ce que ça ne va pas déformer le tissu. Est-ce que ça va apporter quelque chose aussi ? Parce que ça aurait pu totalement devenir anecdotique. C'était un défi que j'ai réalisé avec ma cheffe de pièce et c'était vraiment très exaltant. »    Abonnez-vous à "100% création"  "100% création" est disponible à l’écoute sur toutes les plateformes de podcasts : PURE RADIO, Apple Podcast Castbox Deezer Google Podcast Podcast Addict Spotify ou toute autre plateforme via le flux RSS.     Si vous aimez ce podcast, donnez-lui 5 étoiles et postez un commentaire sur ces applications pour qu'il soit visible et donc encore plus écouté    Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux : Instagram 100% Création Facebook 100% Création-RFI
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  • Corinne Bally, le voyage des masques chamanique jusqu’au design
    Corinne Bally se consacre à la valorisation du patrimoine artisanal de l'Amérique centrale et plus particulièrement à celui des masques chamaniques de la région du Darien. Entre le Panama et la Colombie, la jungle du Darien est l'un des endroits les plus sauvages au monde. Corinne Bally travaille depuis plus d’une décennie avec les femmes des tribus Embera, créant des pièces uniques inspirées des rites chamaniques, entre objet rituel, décoration et art contemporain.   A Paris, cet été, Maisons du Monde expose une collection exceptionnelle de ces masques. Une mise en lumière de la richesse culturelle, humaine et artistique de cette aventure. J'ai toujours été fascinée par l'art et la beauté, mais je ne me sens pas moi-même créatrice Corinne Bally, fondatrice de Corinne Bally Ethic & Tropic « Par contre, j'ai peut-être la vocation de savoir apprécier les belles choses, de les faire connaître, de les mettre sur le devant de la scène et peut être de permettre leur évolution. Ce n'est pas moi-même qui crée, mais j'ai besoin des autres pour créer avec les autres. » Née en France Corinne Bally vit en Espagne. Cette binationale possède une double maîtrise en lettres et communication internationale. Après un parcours professionnel au sein de Chambres de commerce et des programmes de la communauté européenne dans la gestion de projets, elle se réoriente vers l’art et la culture. Après son mariage, Corinne Bally s’installe à Valence en Espagne et crée une galerie d’art. Passionnée par l’Amérique centrale, elle développe une relation profonde avec des tribus indigènes, notamment en découvrant et en valorisant leurs masques chamaniques. Toutefois il a fallu que Corinne Bally soit acceptée par les femmes des tribus Embera. « Ce sont elles qui m'ont choisie puisque, je suis arrivée dans les villages sans les connaître. J'ai démarré avec de toutes jeunes femmes qui ne savaient pas travailler. Elles savent intuitivement parce que c'est une tradition, mais personne ne travaillait beaucoup puisque on faisait un masque pour le chaman. » « J'ai démarré avec des toutes jeunes femmes qui travaillaient mal. J'ai tout acheté. J'ai encore des stocks de masques que j'appelle les primitifs et petit à petit, j'ai vu l'évolution en six ans, en huit ans, en dix ans de toutes ces jeunes femmes. Quand je dis de toutes jeunes femmes, c'est qu'elles sont mamans à quatorze ans, elles ont entre six et huit enfants. Elles commencent à travailler avec moi à quatorze ou seize ans parce que ce sont des mamans, donc elles ont le droit de travailler et souvent elles sont malhabiles. De même que les femmes qui sont très âgées et qui ne voient pas très bien. On a des masques qui sont touchants et petit à petit, ensemble, on a évolué. Et aujourd'hui j'ai quelques artisanes auxquelles je pense, qui ont démarré avec moi depuis le début et qui font des merveilles parce qu'on a réussi à incorporer leur technique, leur caractère. Je reconnais le travail de chacune. Elles peuvent tout me mélanger. Je sais qui a fait quoi. On reconnait le caractère de chaque femme. Et j'ai vu une évolution extraordinaire. Et ça, c'est ce qui est vraiment beau et touchant. Et la relation que j'ai avec elles aussi parce que se retrouve vraiment. Il y a des retrouvailles et on communique par messagerie aussi. Quand elles ont un téléphone, elles m'envoient des messages audio pour être toujours en contact. Il y a une vraie relation entre nous. » Depuis que Corinne Bally a créé Corinne Bally Ethic & Tropic en 2012, elle part régulièrement au contact des femmes Embera qui réalisent les masques chamaniques. Sur place, les retrouvailles sont toujours intenses. « Elles sont très heureuses de me montrer leur travail, de me montrer comment ça a évolué. Elles me disent : "Tu vas voir, je vais t'impressionner, je vais faire le plus grand masque que tu n'as jamais vu ou je vais te surprendre la prochaine fois." Mais ça s'arrête là. Si j'arrive avec des images, ça ne les intéresse pas. Ça s'arrête au moment où on se retrouve toutes ensemble dans un village. C'est un petit peu la fête. J'arrive. Je suis là pour un jour, deux jours selon la taille du village. On se retrouve, on va tout déballer parce qu'elles arrivent avec ces masques qui sont soigneusement conservés dans des pochons en tissu. On arrive en pirogue, il fait très chaud, un climat tropical et on ne voit rien. Et puis là, elles arrivent une à une et elles ont ces masques, elles les sortent et là, c'est un feu d'artifice de couleurs et de créativité. Elles s'observent les unes, les autres. Elles essaient de faire des photos quand elles ont des téléphones, elles comparent le travail des unes et des autres parce qu'elles travaillent chez elles, elles ne travaillent pas ensemble. C'est un jour de fête, il y a aussi de l'argent qui arrive, Tous les enfants sont là, il y en a partout et pour elle, ça s'arrête là. J'emporte les masques et on va redémarrer. Elles me demandent immédiatement : "Qu'est-ce que tu veux pour la prochaine fois ?" Et on est reparti sur autre chose et je suis revenu avec des vidéos que j'avais fait avec une amie artiste, une musicienne péruvienne qui m'avait dit elles vont adorer cette vidéo, mais non, le travail s'arrête là. À partir du moment où j'emmène les masques, ils partent dans un autre monde et c'est comme s'ils avaient été brûlés, après le rituel. » Récolte, teinture, création du masque avec tissage ou broderie, la technique exceptionnelle des masques traditionnels utilisés par des tribus d’Amérique centrale passionne Corinne Bally. « Ce qui m'a fasciné dans ces masques, ce n'était pas la qualité à l'époque mais la technique. A l'origine, ils sont faits pour les rituels chamaniques. Le chaman va demander à la famille du consultant de réaliser ces masques en fonction de la pathologie du consultant. Le chaman est guidé par un esprit, c'est l'esprit qui va demander au chaman de réaliser tel ou tel masque. Ces masques sont utilisés uniquement par le chaman. Ils sont brûlés après le rituel parce qu'on ne peut pas toucher un masque qui est chargé. Donc ils sont utilisés par le chaman pour communiquer avec le monde invisible. Pour cette tribu, comme pour beaucoup de tribus animistes, il y a deux mondes le monde visible, celui dans lequel nous vivons et le monde invisible qui est celui des esprits. Et l'avantage du monde invisible, c'est qu’il nous voit alors que nous, nous ne pouvons pas communiquer avec ce monde invisible. La seule personne qui peut communiquer avec le monde invisible, c'est le chaman et il va donc utiliser pour les rituels différents outils. Et ces masques sont un de ces outils. Donc voilà ce que j'ai découvert il y a plus de douze ans. » La technique ancestrale, la beauté et leur rôle dans la communication avec les esprits font de ces masques des témoins précieux d’un patrimoine en voie de disparition. Pour Corinne Bally c’est une aventure humaine et artistique qui fait réfléchir à la magie qui se cache derrière chaque création. « J'ai découvert très vite les différentes techniques et la créativité de chacune des femmes. Quelquefois je les laisse libres parce que c'est intéressant pour moi, mais elles n'aiment pas. En général, elles aiment bien être orientées. Quand je les laisse libres, j'ai des choses comme des masques très bizarres. Et là, je demande par exemple une fois : "Mais qu'est ce que c'est ?" Parce que j'ai une énorme tête avec deux ou trois cornes. Et elle me dit : "C'est un esprit qui venait me visiter toutes les nuits, donc je l'ai fait pour toi, comme ça tu l'emmènes et moi il me laisse tranquille." C'est le charme qu'on peut avoir à les laisser travailler seules quand elles le souhaitent. Et dans d'autres cas, effectivement, je vais orienter la production parce qu'il y a des artisanes qui ont une technique très particulière et qui développent une broderie très particulière. » « Certaines font des têtes d'oiseaux magnifiques parce qu'elles travaillent la couleur et les motifs. Je vais leur demander des têtes d'oiseaux et à d'autres je vais demander des félins parce qu'elles excellent dans les teintures dans ces tons fauves chocolat. On a des couleurs magnifiques et c'est moi qui vais orienter, en fonction de l'habileté et de la qualité du travail de chacune. » Corinne Bally a tissé un lien unique avec des tribus isolées d’Amérique centrale. Par une démarche respectueuse et passionnée, elle permet à un peu plus de 150 femmes sur sept villages de valoriser leur savoir-faire, gagner leur vie, et préserver leur identité face à l’oubli. « Nous n’avons pas de pièces anciennes, contrairement au masque africain qui est fait pour durer, parce qu'il est en bois, il est en métal. Ce masque-là, il est fait en feuille de palme. Il est très léger, très résistant, mais il brûle facilement. Il est fait pour être utilisé et pour être brûlé. Après, il a une fonction pratique, mais nous en avons fait un objet d'art. C'est une tribu qui va disparaître très vite. Il y a un phénomène d'acculturation. La nouvelle génération ne parle plus le dialecte et ne peut plus communiquer avec les la génération des grands parents. J'assiste à un phénomène d'acculturation très rapide et qui est terrible à voir. Mais là on ne peut pas lutter contre. C'est le cours des choses et on est dans un phénomène de dissolution. Il y a une chose qui s'est développée dans cette tribu, c'est le travail des masques. C'est à dire que quand moi je suis arrivé, c'était moribond, on faisait des masques pour les rituels, on n'en faisait presque plus, on les brûlait. Il n'y avait absolument aucune fierté de réaliser ce travail. Et puis là, en douze ans, on a des femmes qui sont très fières de leur travail, qui gagnent de l'argent plus que leurs maris, elles sont fières de ce qu'elles font et on a une production qui s'est développée avec des objets d'art. Au-delà, je dirais, de la sauvegarde culturelle. Il y a même une évolution. C'est à dire que pour moi c'est un langage parce que je ne vends pas de grande quantité, mais je vends partout dans le monde et ça permet à ces femmes finalement de parler de leur culture et de montrer qui elles sont. Aujourd'hui, on a transcendé l'objet rituel qui mélange le dessin rituel de protection en oeuvres créatives très contemporaines. On a du design, on a des choses qui sont absolument incroyables. » Les masques ont quitté leur usage rituel pour devenir des pièces de design et d’art contemporain. Corinne Bally fait le pont entre deux mondes. Entre sacré et esthétique, ces masques transcendent leur fonction initiale pour exprimer une créativité universelle. « Le fait que je les ai découverts, et c'est vraiment une rencontre, c'est le hasard parce que je n'étais pas du tout partie les chercher. Le fait que je les ai découverts et que j'ai commencé cette collaboration, ça a permis de les maintenir et de dynamiser cette production. Donc d'arriver à ce niveau de création et de créativité. S'il n'y avait pas eu cette rencontre aujourd'hui, ces masques n'existeraient pas, on n'aurait pas le plaisir de pouvoir les contempler. Et ça, c'est vraiment important. Ça fait partie des mystères. Quand je parle de mon histoire, je dis que les coïncidences n'existent pas et que ce n'est pas un hasard. Si j'ai trouvé ces masques, c'est que certainement ils avaient besoin de quelqu'un pour les faire connaître et peut-être développer cette création artistique. » Abonnez-vous à « 100% création » « 100% création » est disponible à l’écoute sur toutes les plateformes de podcasts : PURE RADIO, Apple Podcast Castbox Deezer Google Podcast Podcast Addict Spotify ou toute autre plateforme via le flux RSS.   Si vous aimez ce podcast, donnez-lui 5 étoiles et postez un commentaire sur ces applications pour qu'il soit visible et donc encore plus écouté J Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux : Instagram 100% Création Facebook 100% Création-RFI                 
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À propos de 100 % création

Mode, accessoires, décoration, stylisme, design. Dans la chronique 100 % création de Maria Afonso, RFI vous fait découvrir l’univers de créateurs. Venez écouter leur histoire, leur parcours, leurs influences, leur idée de la mode chaque dimanche à 04h53, 6h55 et 12h54 TU vers toutes cibles. 
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