Les prix des viandes de plus en plus dictés par le manque de bétail
Après des décennies de prix bas, et d’offre suffisante par rapport à la demande, des tensions fortes se profilent sur le marché mondial des viandes. Comme dans le secteur énergétique, les appels à la sobriété dans la filière viande pourraient devenir de plus en plus fréquents. À en croire les données du marché, la viande sera demain plus rare et plus chère. Il est difficile d’envisager dans ce contexte que la consommation des Français – 86 kg de viande par an –, puisse être un jour élargie aux pays émergents qui consomment de plus en plus de protéines animales.Partout sur la planète, les prix ont atteint des records depuis deux ans. Les Néo-Zélandais ont exporté, l’année dernière, de l’agneau à 7 euros le kilo – prix carcasse vendue par l’éleveur à l’abattoir – ; le bœuf a augmenté de 40 % aux États-Unis ; en Allemagne, le kilo de viande bovine a atteint 6 euros début 2023, soit un euro de plus que la moyenne des années précédentes. En mars dernier, le kilo de porc français se vendait sur le marché de référence de Plérin à 2,38 euros, un record absolu.Décapitalisation du cheptelLes prix ont globalement ralenti depuis septembre dernier, mais « on reste à des niveaux très élevés », relève Jean-Paul Simier, co-auteur du rapport Cyclope sur les matières premières qui vient d’être publié. « Le temps de l’abondance dans la filière, ou du moins le temps d’une offre adaptée à la demande, semble bel et bien révolu », selon l’expert.Chaque année, la demande augmente de 1 à 2 %, en particulier en Asie, alors que pendant ce temps l’offre se réduit à cause d’élevages qui disparaissent ou qui voient leur effectif baisser drastiquement. Cette décapitalisation du cheptel est liée à différents facteurs : la sécheresse en Australie et Nouvelle-Zélande, le vieillissement des éleveurs en Europe, ou encore les maladies animales telles que la peste porcine et la grippe aviaire qui a fait perdre, à elle seule, des dizaines de millions de volailles à l’Europe ces deux dernières années. Le réchauffement, accélérateur de tensionsDans ce contexte d’offre qui se réduit, la Chine est un accélérateur de tensions dès qu’elle achète un peu plus que prévu. L’Empire du Milieu est devenu un débouché clé pour les viandes d’Amérique latine : 60 % du bœuf brésilien part désormais vers la Chine, mais aussi 40 % du porc et 20 % du poulet brésilien. Au moins 50 % des viandes du Mercosur vont aujourd’hui vers l’Asie.L’autre variable qui pourrait accélérer les tensions, dans les années qui viennent, c’est le changement climatique. « Quand il faudra choisir entre abreuver un animal ou un humain, nourrir un animal ou un humain, on sait déjà que le bétail n’en sortira pas gagnant », résume Jean-Paul Simier.