«Sept hivers à Téhéran», manifeste contre la peine de mort
C'est un documentaire choc qui est sorti en salles en France, après avoir été projeté au dernier Festival de Berlin : Sept hivers à Téhéran reconstitue le destin tragique de Reyhaneh Jabarri, jeune femme exécutée par pendaison en 2014, et devenue une figure de la lutte des femmes en Iran.
Reyhaneh Jabbari a 19 ans quand elle se fait agresser sexuellement par un notable iranien. Il tente de la violer, elle saisit un couteau sur la table, le poignarde et le tue. Arrêtée, jetée en prison, Reyhaneh est jugée après une enquête truquée. La légitime défense n’est pas retenue, la loi du talion sera appliquée. Pendant sept ans, la famille de la jeune femme remue ciel et terre et médiatise son cas, au-delà des frontières iraniennes. Mais le 25 octobre 2014, Reyhaneh Jabbari est exécutée.
La réalisatrice allemande Steffi Niederzoll entend parler de ce cas, emblématique des discriminations sexuelles en Iran, quelques années plus tard. « Mon compagnon iranien de l'époque me fait rencontrer des membres de la famille de Reyhaneh, c'était en 2016 à Istanbul, se souvient-elle. On sympathise. Et ils me demandent si je serais prête à faire un film à partir d'images tournées clandestinement et qu'ils ont réussi à sortir d'Iran. Je me suis beaucoup posé de questions : comment moi, qui suis allemande, pourrait réaliser un film sur l'Iran ? D'autant que je ne parle pas la langue… »
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La rencontre avec Shole Pakravan, la mère de Reyhaneh, achève de la convaincre. Cette mère courage a tout tenté pour sauver sa fille aînée. Réfugiée en Allemagne avec ses deux autres enfants, elle continue de faire vivre la mémoire de la jeune femme. « En 2007, c'est comme si un tsunami ou un tremblement de terre avait ravagé ma maison. Mais petit à petit, j'ai évolué spirituellement et ma famille aussi, Reyhaneh également. Bien sûr, j'ai perdu foi dans mon pays, mais appris d'autres choses sur ma société. Cela ne ramènera pas Reyhaneh à la vie. Cela m'a pris du temps pour l'accepter. Mais je sais qu'elle a pleinement vécu sa vie comme elle l'entendait. C'est le destin, et je dois maintenant me battre pour les autres. »
Pour ce film, Steffi Niederzoll a eu accès à des films de famille, mais aussi à des images volées prises avec des smartphones, et à l'enregistrement, clandestin également, de la voix de la jeune femme. Et puis à des séquences tournées illégalement en Iran. « On n'avait aucune image des prisons de Rajai Shahr ou d’Evine, donc on a demandé à des cinéastes iraniens de nous aider, explique la réalisatrice. Ils ont pris des risques pour tourner ces séquences, c'était dangereux, car la peine encourue est d'au moins cinq ans de prison. Mais ils tenaient à ce que ce film soit fait, que l'histoire de Reyhaneh soit racontée. J'ai vraiment rencontré une vague de soutien inespérée en Iran. »
Vibrant manifeste contre la peine de mort, ce documentaire-vérité résonne avec d'autant plus de force que le peuple iranien s'est soulevé ces derniers mois aux cris de « femme, vie, liberté ».